Xavier Lacaille est en ce moment à l’affiche de la série « Parlement » qui marrie politique et comédie. Malgré ce rôle principal, Xavier est avant tout scénariste, on le retrouve dans des séries telles que Validé ou Têtards, sur Canal+ ou dans un duo comique avec Ambroise Carminati. Aujourd’hui nous tentons d’en savoir plus sur la seule série à être tournée au Parlement européen.
On change complètement d’univers depuis Têtards ou Validé, qu’est-ce qui vous a attiré vers Parlement ?
Xavier Lacaille : J’ai lu le scénario des premiers épisodes et j’ai trouvé ça brillant, très drôle. On a très peu de séries politiques en France et encore moins politiques et drôles et c’est pourtant une formule qui a du potentiel. Sur un plan technique, je suis un grand fan du format 10 x 26min. De plus, j’avais déjà un attrait pour l’environnement européen avec mes études de droit où je me suis beaucoup intéressé au droit constitutionnel, au droit européen, c’est un peu étrange mais j’adorais ça.
En combinant votre expérience scolaire et professionnelle, qu’est ce qui relève de l’anecdote et qu’est ce qui relève de la pure fiction dans la série ?
C’est une série comique, il y a donc évidemment beaucoup d’exagération. La maladresse de certains personnages par exemple est extrêmement drôle et donc bien sûr exagérée pour les besoins de la comédie. Cependant le côté institutionnel est vraisemblable : le sujet du finning qui agit comme fil rouge de la série relève tout à fait d’éléments réels.
Noé Debré [le scénariste] a indiqué que la série n’avait pour but « ni de promouvoir, ni de flétrir les institutions », quelle image en gardez-vous ?
En tant qu’acteur j’ai gardé un regard de spectateur, je suis loin d’avoir une perspective en interne comme si j’avais travaillé au parlement donc je le vois vraiment comme le spectateur que je suis resté malgré le tournage : curieux et impressionné. Avec la série on comprend mieux le fonctionnement du parlement et après avoir été curieux, j’ai un regard fasciné, je pense que je m’intéresse plus au fonctionnement.
Et diriez-vous que cette expérience vous a tenté l’espace d’un instant de devenir eurodéputé ?
[rires] Non, pas du tout. D’une part parce que ce n’est pas mon métier mais je dois avouer que j’ai reçu beaucoup de messages qui me disaient « tiens ça me donne envie d’y travailler, en tout cas de me pencher dessus ». Après tout c’est aussi le récit initiatique d’un jeune homme qui commence à zéro et qui découvre les rouages et les arcanes de la politique européenne et je pense que ça, sans forcément donner envie de devenir eurodéputé ou assistant parlementaire, donne au moins envie de davantage se pencher sur le sujet et de s’en saisir.
C’est intéressant que vous parliez de l’impact sur les téléspectateurs, quel public pensez-vous que Parlement va toucher ?
C’est difficile à dire, je pense que ça touche un public très large, du public très jeune adolescent dès qu’on est en mesure de comprendre les enjeux à un public plus avancé, il n’y a pas d’âge vraiment : c’est un programme transgénérationnel. Si la série est aussi intéressante pour tout le monde c’est parce qu’elle concerne tout le monde. Le côté pédagogique me touche particulièrement parce que je trouve génial d’arriver à expliquer des schémas complexes avec humour et légèreté.
Je vais maintenant vous poser les mêmes questions qu’à un étudiant fraîchement revenu d’Erasmus : vous sentiez-vous européen avant la série, et après ?
Je suis un Européen convaincu de longue date mais c’est surtout en vivant aux États-Unis que je l’ai ressenti. Plus on s’éloigne de l’Europe, plus on se rend compte qu’on est Européens, c’est comme ça que les autres nous voient. J’ai donc plus de recul sur cette question puisque j’ai eu le privilège de vivre à l’étranger que d’autres n’ont pas eu.
A l’heure où l’UE fait face à beaucoup de critiques et est souvent choisie comme bouc-émissaire, comme le dit d’ailleurs votre personnage Samy dans un épisode, pensez-vous que des approches populaires, plus démocratisées comme cette série pourrait en changer la perception ?
Je pense que la série a vocation involontaire à les amener à s’intéresser de manière bienveillante à l’Europe. Il ne faut pas s’arrêter à l’épisode pilote, il faut la regarder dans son intégralité pour voir que la série donne finalement un visage à l’Europe qui est plus agréable et simple. Il faut aussi prendre en compte qu’avec le cadre du Parlement Européen, on part de zéro : il n’y a pas de mythologie associée à l’institution comme certaines séries américaines ont la Maison Blanche par exemple.
Sur un plan plus technique, le peu de séries politiques qui existent se déroulent systématiquement dans un cadre national : House of Cards, The Thick of It, Baron Noir, or Parlement est la première série à être basée sur la politique européenne. Quels défis ça pose ?
La série est basée sur la politique européenne et sa production est tout aussi européenne puisque c’est un projet collaboratif entre la Belgique, l’Allemagne et la France. Il y a donc un défi d’écriture pour réussir à créer une intrigue qui parlera à un public international, comment intégrer une dimension émotionnelle et humaine qui touchera des publics nationaux différents. Au-delà du récit politique de Parlement, il y a une collaboration internationale : le scénario a été écrit par quatre auteurs dont deux fonctionnaires européens (qui ont écrit la série au sein même du Parlement pour s’inspirer), le réalisateur Noé Debré (français) et un Anglais, Daran Johnson. L’implication de Daran a permis au scénario de bénéficier de son influence dramaturgique anglo-saxonne. Le scénario permet lui aussi d’intégrer plusieurs dimensions nationales puisque l’intrigue suit un trio d’assistants parlementaires de nationalités différentes. En dehors de ces trois nationalités (anglais-britanniques-allemands) beaucoup de nationalités sont représentées au cours de la saison.
En parlant de monde anglo-saxon, quelle réception pensez-vous que la série aurait si elle venait à être diffusée au Royaume-Uni ? On rappelle que l’après-brexit tient une place importante dans l’histoire, tout comme le personnage de l’eurodéputée du Brexit party Sharon ou encore le lobbyiste américain ultra-enthousiaste ?
[rires] Effectivement, ces personnages apportent beaucoup à la série ! Malheureusement c’est dur d’évaluer la réception qu’aurait cette série outre-Manche et outre-Atlantique. C’est une série drôle et j’espère donc qu’elle fera rire les gens mais elle a aussi le potentiel de plaire au niveau émotionnel également. Je pense qu’il s’agit d’une série universelle et qu’il y a donc un intérêt à regarder la série que l’on soit pour ou contre le Brexit.
L’écriture est en effet assez balancée : même si le début pousse à croire que seul le Brexit est moqué, les Français sont rapidement égratignés tout comme les Allemands, chacun en prend pour son grade.
Complètement, c’est ce qui fait la force de la série. De plus vous remarquerez que le scénario n’écorche pas les plus faibles, c’est surtout dirigé vers les pays respectifs des personnages principaux.
Pour finir, quelle scène aurait été la plus mémorable à tourner ?
J’ai justement adoré l’épisode avec l’américain Shane Woodward, ce personnage me faisait beaucoup rire. De plus, l’acteur était déjà dans le personnage avant même de tourner l’épisode, j’étais subjugué par son énergie. J’ai également beaucoup aimé les scènes avec Eamon parce que l’acteur est lui-même mystérieux et fascinant. Créer avec des acteurs de partout en Europe a vraiment été une expérience riche en diversité : un peu comme dans l’Auberge espagnole, chaque acteur amène un registre et une manière de travailler différentes et c’était très enrichissant de les conjuguer. J’essaie de trouver une scène en particulier…
… Peut-être lorsque vous étiez déguisé en requin ?
Ce n’était pas le plus simple ! Il faisait très chaud sous ce costume, ce n’était pas le plus facile. En revanche, le tournage à Strasbourg m’a laissé un souvenir marquant. Nous sommes partis là-bas pour deux semaines de tournage et j’ai vraiment été impressionné par l’endroit, c’est beaucoup plus télégénique. C’est aussi là que le personnage évolue le plus. On changeait de décor et, quelque part, ça accompagnait très bien l’évolution de mon personnage, il y avait une vraie trajectoire.
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