Une Union plus ambitieuse : Protéger notre mode de vie européen (4/6)

Plus que quelques jours avant l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne. Après le partie environnementale, économique et numérique de Madame Von der Leyen nous nous arrêtons aujourd’hui sur le quatrième volet de son programme politique dont la formulation a suscité la polémique après l’annonce de la répartition des portefeuilles des Commissaires. Celui-ci s’intitule « Protéger notre mode de vie européen » et inclut notamment la protection des frontières et de l’Etat de droit, la sécurité intérieure et les questions migratoires. Ce portefeuille attribué au grec Margaritis Schinas a entrainé de vives critiques de la part de trois groupes politiques du Parlement européens. Certains y ont vu une rhétorique de l’extrême droite, inquiets de voir l’Allemande lier migration et sécurité. Cette dernière s’est empressée de répondre à la polémique en déclarant dans une tribune que « Notre mode de vie européen, c’est s’accrocher à nos valeurs. La beauté de la dignité de chaque être humain est l’une des plus précieuses valeurs ».

Mais que contient véritablement cette partie de son programme et quelles sont les actions déjà mises en place au niveau européen ?

La nouvelle Présidente de la Commission européenne décline cette partie de son programme en trois points.

> Défendre l’Etat de droit

La Présidente souhaite que l’UE soit garante de la justice et de ses valeurs qui sont les fondements de notre communauté de droit. Cette responsabilité devrait être partagée par les institutions et les Etats membres. A cet effet, Ursula Von der Leyen suggère d’utiliser pleinement « la boîte à outils européenne » en mettant en place un nouveau mécanisme européen de protection de l’Etat de droit dont le suivi serait effectué par la Commission européenne en dialogue étroit avec les autorités nationales. Le rôle du Parlement européen devrait quant à lui devenir plus important dans la protection de l’Etat de droit le tout dans une approche plus transparente et coopérative qui permettra une détection précoce des problèmes et leur résolution rapide. Enfin Madame Von der Leyen souhaite faire une application plus stricte du principe de respect de l’Etat de droit en s’appuyant notamment sur les récents arrêts de la Cour de Justice.

« La défense de nos valeurs fondamentales ne souffre aucun compromis. Les menaces qui pèsent sur l’état de droit ébranlent les fondements juridiques, politiques et économiques de notre Union. »

L’Etat de droit est une des valeurs fondatrices de l’UE et sur laquelle repose l’action de l’Union sur la scène internationale. Il est cité dans le préambule ainsi qu’aux articles 2 et 21 du Traité sur l’Union européenne. Pourtant, l’Etat de droit semble malmené en Europe. Plusieurs ONG telles qu’Human Rights Watch ou Amnesty International de même que le Conseil de l’Europe dénoncent régulièrement des atteintes aux droits de l’Homme notamment dans la lutte contre le terrorisme et en ce qui concerne la liberté d’expression dans certaines législations d’Etats membres comme en Pologne, en Roumanie, en Hongrie, en France ou encore au Royaume-Uni.

La Pologne et la Hongrie sont d’ailleurs régulièrement pointées du doigt pour leurs atteintes à l’Etat de droit dans leurs systèmes juridiques et pénal. La Commission a même enclenché la procédure de l’article 7 à l’encontre de ces deux pays. Une action inédite qui pourrait, si elle aboutit, engendrer une suspension de certains de leurs droits institutionnels européens.

Dans sa lutte pour renforcer l’Etat de droit, Madame Von der Leyen pourra s’appuyer sur les idées actuellement actuellement à l’étude par les institutions européennes pour compléter le « dialogue sur l’Etat de droit ». Un « mécanisme d’examen par les pairs » a par exemple été proposé par la Belgique et l’Allemagne.

 

> Des frontières solides et une nouvelle approche en matière d’immigration

 

En matière d’immigration, Ursula Von der Leyen souhaite instaurer un nouveau pacte sur la migration et l’asile, notamment en rouvrant les discussions pour la réforme des règles de Dublin en matière de droit d’asile. Ce droit d’asile devrait être modernisé afin de soulager les Etats membres qui subissent une pression migratoire intense. L’Agence Frontex fait aussi partie de ses priorités avec comme objectif d’obtenir un effectif permanent de 10 000 garde-frontières opérationnels d’ici à 2024.

L’accent sera également mis sur la coopération au développement afin de venir en aide aux pays d’origine des migrants dans le but d’améliorer les perspectives d’avenir des jeunes de ces pays. Enfin, Madame Von der Leyen envisage la création de « corridors humanitaires » afin de permettre une immigration légale et de lutter contre les réseaux de trafiquants d’êtres humains ; l’Europe a, selon elle, un devoir moral, envers les migrants arrivant en Europe. L’UE devrait avoir une approche plus globale et durable du problème migratoire.

De nombreuses actions sont déjà mises en place dans ce domaine, l’objectif de la Présidente est donc d’améliorer ces mécanismes afin de les rendre plus efficaces. Parmi ceux cités dans son programme se trouve l’Agence Frontex dont la mission est de coordonner la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l’UE dans la lutte contre l’immigration clandestine. Crée en 2004 et révisé en 2007 cette agence a depuis pu mener 3 missions de contrôle de l’immigration illégale en Espagne, Grèce et Italie.

Le règlement de Dublin –  adopté en 2003, réformé en 2013 et signé entre les Etats membres ainsi que la Suisse, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein – a mis en place la délégation de responsabilité de l’examen de la demande d’asile au premier pays qui l’a accueilli. Celui-ci est néanmoins régulièrement remis en cause notamment lors de la crise de migratoire de 2015, les principaux pays d’entrée qui le jugeait alors comme inégalitaire ; d’où la volonté de la Présidente de la réformer à nouveau. (Pour en savoir plus sur lé règlement de Dublin cliquez ici)

Toutes ces résolutions risquent néanmoins d’être confrontées à plusieurs problèmes majeurs. En effet, tous les pays membres ne sont pas d’accord quant à la démarche à adopter sur ce sujet. Certains pays de l’Est notamment sont réticents à accueillir des migrants, ce qui est d’ailleurs une des causes de l’échec du plan de répartition des migrants décidé en 2015. Le « devoir moral » d’Ursula Von der Leyen ne semble donc pas être partagé par tous. Enfin la politique migratoire de l’UE se trouve régulièrement sous le feu des critiques. L’accord UE-Turquie signé en 2016 et qui consistait à renvoyer en Turquie les migrants arrivé illégalement en Grèce avait par exemple été considéré par certaines organisations, dont Amnesty international, comme un marchandage ignoble bafouant le droit des migrants.

 

> Sécurité intérieure

Afin d’améliorer la sécurité intérieure en Europe, Ursula Von der Leyen estime qu’il faudrait intensifier la coopération transfrontalière pour combler les failles de la lutte antiterroriste. A cela devrait s’ajouter une augmentation des moyens et de l’autorité du Parquet européen afin qu’il soit habilité à enquêter sur le terrorisme transfrontière et à engager des poursuites. Enfin la Présidente annonce qu’elle proposera au cours de son mandat des mesures audacieuses pour une permettre une meilleure gestion des risques et des contrôles plus efficaces.

La sécurité intérieure est un sujet sensible en Europe depuis plusieurs années, dans un contexte de menaces terroristes sur le sol européen. Le terrorisme est d’ailleurs en tête des problèmes cités par les citoyens européens selon un sondage Eurobaromètre publié en 2017. Afin d’agir contre cette menace l’Europe s’est dotée de plusieurs moyens d’action comme le système d’information Schengen, le mandat d’arrêt européen, le système ECRIS ou encore le fonds de sécurité intérieure. Parmi les principaux acteurs de la sécurité intérieure en Europe il faut également citer l’agence Frontex, Eurojust pour coordonner la lutte contre la criminalité et encore Europol pour coordonner le partage d’informations entre polies nationales.

Les actions sont donc nombreuses et le budget alloué à ces missions de plus en plus conséquent mais cela ne semble pas suffir à faire taire certaines critiques persistantes. La sécurité était par exemple un des arguments principal des partisans du Brexit.

 

Pour retrouver le programme complet d’Ursula von der Leyen : https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/political-guidelines-next-commission_fr.pdf 

Retrouvez nos précédents articles sur le programme environnementaléconomique et numérique de la nouvelle Présidente de la Commission européenne.