Décryptage des priorités de la nouvelle Présidente de la Commission européenne : Une économie au service des personnes (2/6)

Seconde partie de notre série de six articles, nous nous intéressons aujourd’hui au vaste programme économique de la nouvelle Présidente de la Commission européenne. Madame Von der Leyen a annoncé vouloir « Une économie au service des personnes » et a présenté ses ambitions sur le sujet en cinq parties distinctes.

  • Une Union européenne qui soutient les petites entreprises

Aujourd’hui, en Europe, 99,8% des entreprises sont des PME, un maillage très important qui est un des objectifs principal de Mme Von der Leyen. Son ambition est de faciliter l’innovation de ces sociétés en mettant en place une stratégie spécifique, en parachevant l’Union des marchés de capitaux et en instaurant un fond public-privé spécialisés dans les introductions en bourse de PME.

Cet objectif est dans la lignée de celui de la Commission de M. Jean Claude Juncker qui visait notamment lors de la mise en place de son plan de relance et d’Investissement les PME. Le budget de ce plan qui s’élevait à 315 milliards d’euros était destiné pour un quart au développement de programmes pour soutenir les PME. Le FEDER et le plan HORIZON 2020 ont également consacré une partie conséquente de leurs budgets à ces entreprises.

  • Une Union Economique et Monétaire approfondie

La nouvelle Présidente de la Commission européenne a salué les efforts effectués par l’Union européenne pour retrouver une économie stable, la croissance, l’emploi et l’investissement. Néanmoins, elle insiste sur le fait que cette économie aux fondations solides doit être plus attrayante ; pour cela Mme Von der Leyen espère mettre en place de nombreuses actions :

  • Rendre l’investissement en Europe plus attrayant
  • Renforcer le rôle international de l’euro
  • Exploiter la souplesse interne du pacte de stabilité et de croissance
  • Achever l’union bancaire
  • Instaurer un système européen d’assurance des dépôts
  • Redéfinir le semestre européen pour en faire un instrument qui intègre les objectifs de développement durable des Nations unies.
  • Donner au Parlement européen une plus grande marge de manœuvre sur les questions de gouvernance économique

Là encore, la Présidente de la Commission pourra s’appuyer sur le travail de son prédécesseur qui avait des objectifs similaires financés par le « Plan Juncker ». Le plan InvestEu voté au Parlement européen en avril 2019 après une proposition de la Commission en 2018 en est le successeur. Doté d’un budget de 650 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit deux fois plus que le « Plan Juncker » ; ses objectifs sont notamment de soutenir l’investissement et l’accès aux financements.

En ce qui concerne le Pacte de stabilité et de croissance, la flexibilité interne de ce pacte qu’entend utiliser Mme Von der Leyen faisait également partie des objectifs de la Commission précédente. En 2015, cette dernière a d’ailleurs publiée une communication intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles du PSC ». Lors de sa présidence, Jean Claude Juncker avait présenté un pacte avec « une dose supplémentaire de flexibilité » dans un souci de relancer la croissance, créer des emplois et réduire le déficit. Les règles concernant le déficit public et la dette des Etats membres avaient d’ailleurs étaient assouplies (pour en savoir plus sur le PSC cliquez ici).

L’achèvement de l’Union bancaire fait aussi partie des objectifs d’action de Mme Von der Leyen. Mis en place en 2014 à la suite de la crise économique et considéré à l’époque par certains comme le saut fédéraliste le plus important depuis le lancement de l’euro, ce système vise à surveiller les banques et à résoudre leurs défaillances. Il est composé de trois piliers : le Mécanisme de supervision unique (MSU), le Mécanisme de résolution unique (MRU) et le Système européen de garantie des dépôts (SEGD). L’action de la Présidente devrait se concentrer sur le MSU qui ne concerne pour l’instant que les plus grandes banques et le SEGD qui n’a pas été mis en place en raison de réticences allemandes.

Enfin, en ce qui concerne la plus grande marge de manœuvre que Mme Von der Leyen souhaiterait conférer au Parlement européen sur les questions économiques, il est vrai que ce dernier ne dispose actuellement que de compétences assez limitées. La principale compétence du Parlement réside dans le vote du budget de l’Union. Il peut modifier les propositions de la Commissions et du Conseil, a le dernier mot sur son adoption et participe à l’élaboration du cadre pluriannuel budgétaire. Enfin, il peut également contrôler et juger l’exécution du budget pa la Commission. A ce titre, il peu contraindre la Commission a démissionner s’il estime qu’un exercice budgétaire a mal été géré. Néanmoins, malgré ce pouvoir budgétaire, le Parlement doit souvent se contenter d’un vote d’approbation qui ne lui permet pas de modifier la proposition de loi, et ne dispose pas de pouvoir d’initiative.

Le travail s’annonce donc considérable pour réaliser cet objectif tant les ambitions de Mme Von der Leyen sont importantes et variées.

  • Les droits sociaux et le socle européen

Le socle européen des droits sociaux est l’une des avancées de la dernière Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen considère qu’il faut encore améliorer ses effets. Ce faisant à travers la garantie européenne pour l’enfance, un instrument de lutte contre le chômage, dans un but de réduire et à terme d’enrailler la pauvreté. Les jeunes auront en main de meilleurs outils pour sortir de la pauvreté ou l’exclusion sociale, l’accès aux soins et à l’éducation. En effet, plus de 25 millions d’enfants de moins de 18 ans sont menacés par la pauvreté ou l’exclusion sociale dans l’Union Européenne.

Le nouveau programme de la Présidente de la Commission européenne est d’une certaine manière dans le prolongement des décisions de M. Jean Claude Juncker. Dans un premier temps, améliorer les mécanismes pour les jeunes et la petite enfance, en complémentarité d’une nouvelle prérogative se fondant sur la lutte contre la pauvreté. Par le biais d’un accompagnement plus soutenu pour les parents en difficultés, et dans un but d’amener davantage les femmes sur le marché du travail. Cette prérogative s’inscrit donc dans l’amélioration des droits sociaux, mais également dans le principe « d’Union pour l’égalité ».

   •  « Embrasser la diversité »

Mme Ursula von der Leyen veut ajuster de nouveaux actes législatifs pour lutter contre les discriminations. Pour elle, cette lutte doit d’être réellement soutenue et renforcée dans les directives que la prochaine Commission européenne décidera. Aujourd’hui, c’est au niveau national que les Etats agissent dans ce domaine, même si la directive sur l’égalité raciale en Europe adoptée en 2000 définit des normes minimales.

Par ailleurs, la disposition visant à améliorer le travail des femmes pour contrer le fait que les hommes gagnent en moyenne 16% de plus, symbolise une composante « essentielle de l’économie » selon Mme Ursula von der Leyen. L’égalité homme-femme est un combat qu’elle compte bien mener de front, en appliquant des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations.

La présidente de la Commission européenne veut aller plus loin, en luttant contre les violences faites aux femmes, en faisant en sorte que les exactions deviennent répréhensibles et jugeables pénalement (mesures répressives sanctionnant des délits).

 •   Une Justice sociale plus forte

La fiscalité est au cœur des débats européens, domaine relevant de la compétence nationale, mais l’harmonisation envisagée rencontre certaines difficultés vis-à-vis des intérêts des Etats. L’une des mesures de la nouvelle présidente de la Commission européenne sera de réformer les systèmes d’impôts sur les sociétés en adoptant un corpus unique et réglementaire pour les sociétés visant à rendre plus fluide la lutte contre les fraudes fiscales, mais également pour faciliter cette gestion par les petites et moyennes entreprises qui correspondent à 99% des sociétés européennes.

Le numérique représente un chantier conséquent mais il sera l’une des priorités du mandat de Mme Ursula von der Leyer, avec l’objectif de créer un impôt numérique équitable à l’échelle mondiale « d’ici fin 2020 ». La présidente de la Commission européenne aura alors à intervenir sur le plan international en se servant du poids de l’Union Européenne comme dans la condamnation de Google pour abus de position dominante.

Pour retrouver le programme complet d’Ursula von der Leyen : https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/political-guidelines-next-commission_fr.pdf 

Pour voir notre premier article sur les priorités environnementales d’Ursula Von der Leyen cliquez ici.