Décryptage des priorités de la nouvelle Présidente de la Commission européenne : Une Europe adaptée à l’ère du numérique (3/6)

Alors que les auditions des Commissaires viennent de se terminer à Bruxelles ;  nous nous intéressons aujourd’hui au troisième volet du programme de la nouvelle Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen : Une Europe adaptée à l’ère du numérique.

Les ambitions de Madame Von der Leyen

Consciente des multiples possibilités qu’offre le numérique ainsi que des changements sociétaux et économiques qu’il implique, la Présidente de la Commission européenne aimerait néanmoins que l’Union européenne puisse se doter d’un cadre réglementaire garant de la sécurité et de l’éthique, notamment par la mise en place de normes communes pour les réseaux.

Madame Von der Leyen concède qu’il est désormais trop tard pour que l’Europe se dote de géants du numérique mais espère toutefois accéder à une souveraineté technologique européenne. A ce titre, les investissements dans ce domaine et la définition des normes applicables aux futurs géants du numérique seront selon elle décisives ; tout comme l’intelligence artificielle dont les données sont « les ingrédients de l’innovation qui peuvent nous aider à trouver des solutions aux enjeux sociétaux actuels » et sur laquelle la nouvelle Présidente souhaite une action coordonnée et plus d’investissements.

« Je crois que l’Europe peut réussir ce passage à l’ère numérique, si elle s’appuie sur ses forces et ses valeurs. »

La protection des données, de la vie privée et la sécurité devraient être quant à eux coordonnés avec une utilisation large de ces mêmes données. En ce sens, la Présidente souligne l’importance de la législation européenne RGPD ainsi que l’importance de renforcer les règles de responsabilité et de sécurité des principales plateformes du numérique.

En ce qui concerne le cyberespace, Ursula Von der Leyen souhaite passer du « besoin de savoir » au « besoin de partager » par l’intermédiaire d’une unité conjointe de cybersécurité. De nouveaux outils et méthodes devraient également être mis en place pour aller vers une numérisation pleine et entière de la Commission.

 

  • Donner aux citoyens les moyens d’agir grâce à l’éducation et aux compétences

 

Pour Madame Von der Leyen, les compétences et l’éducation sont le moteur de la compétitivité et de l’innovation en Europe. Mais l’Europe ne semble selon elle pas tout à fait prête ; la Présidente s’engage donc à faire de l’espace européen de l’éducation une réalité d’ici 2025. Pour cela, l’accent sera mis sur une éducation de qualité ainsi que sur un apprentissage tout au long de la vie. L’Europe, sera, selon La Présidente de la Commission, mise à niveau en matière de numérique avec l’élaboration d’un plan d’action. Enfin, Ursula Von der Leyen souhaite tripler le budget Erasmus+ dans le cadre du prochain budget à long terme.

 

Où en est-on actuellement ?

 

  • Un domaine marqué par l’hégémonie américaine face à une Union européenne qui tente de réagir

 

Depuis 2004 et la Commission de José Manuel Barroso, l’Europe est dotée d’un commissaire européen en charge du domaine numérique. Cette nomination apparait toutefois tardive et symbolise le retard européen sur le sujet tant celui-ci s’est révélé d’une importance majeure dès la fin des années 1990.

Le secteur du numérique est en effet marqué par une hégémonie américaine, selon une enquête menée en 2014, sur les 10 sites les plus visités au monde, 9 étaient affiliés à des acteurs américains. Parmi eux on trouve les fameux GAFA (pour les initiales de Google, Amazon, Facebook et Apple). Par ailleurs seul 9 des 100 premières sociétés mondiales du numérique avaient leur siège au sein de l’UE. Pour plus d’informations nous vous invitons à consulter l’article de Toute l’Europe.

Cette domination que souhaite renverser la nouvelle Présidente était également un objectif de son prédécesseur Jean Claude Juncker. Celui-ci avait remis le numérique au-devant de la scène en faisant une des priorités de son mandat. Il avait ainsi proposé en 2015, l’élaboration d’une stratégie pour le marché du numérique avec comme objectif de rassembler 28 marchés nationaux fragmentés et tenter de faire face à la domination américaine sur le web. Néanmoins, la majorité des 35 propositions législatives de la Commission européenne relatives à cette stratégie en sont encore au stade de négociations. Pour plus d’infos sur cette stratégie cliquez ici.

Ces dernières années ont également été marquées par des législations européennes phares dans le domaine du numérique tel que le règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette réglementation mise en place en mai 2018 a comme principal objectif de permettre aux internautes européens de mieux contrôler l’utilisation de leurs données personnelles. Plus d’un an après la mise en place de ce règlement, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a publié un bilan assez positif. Elle note une véritable prise de conscience des professionnels et particuliers sur les enjeux de la protection des données personnelles avec une nette hausse des plaintes et des condamnations de multinationales pour manquement à ce règlement. Elle souligne néanmoins que de nombreux actions restent à venir. Pour plus d’infos sur RGPD cliquez ici.

La Commission européenne n’avait d’ailleurs pas hésité à punir le géant Google en 2017 pour abus de position dominante avec une amende record de 2.42 milliards d’euros. La CNIL a également prononcé une sanction en janvier dernier contre ce géant du numérique, lui demandant de payer une amende de 50 millions d’euros pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité.

 

  • Des obstacles encore nombreux

 

Il semble néanmoins que l’Europe doive faire face à plusieurs obstacles dans l’élaboration de sa politique numérique. En effet, les pays membres sont loin d’être tous au même niveau de développement sur le sujet. Alors que les pays nordiques tels que le Danemark, la Suède ou l’Estonie sont à la pointe du numérique, La Pologne, la Roumanie ou encore la Hongrie sont à la traîne selon des mesures effectuées par la Commission européenne.

L’autre obstacle majeur de l’Union européenne concerne l’incapacité des Etats européens à parler d’une seule voix, à prendre des décisions communes et à élaborer une stratégie efficace. Cette lenteur explique en partie le retard européen accumulé en matière de numérique. L’approche européenne est ainsi loin d’être intégrée et coopérative mais est soumise au contraire aux objectifs nationaux de chaque Etat membre. L’échec des négociations sur le projet de taxe GAFA soutenu par la France en est un des meilleurs exemples.

Sur ce dernier sujet néanmoins, les membres de la future Commission se sont récemment engagés, via une lettre adressée au Parlement européen, à prendre des initiatives sur une taxe GAFA européenne si aucun accord n’est conclu au plan international en ce sens.

 

 

Pour retrouver le programme complet d’Ursula von der Leyen : https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/political-guidelines-next-commission_fr.pdf 

Retrouvez nos précédents articles sur le programme environnemental et économique de la nouvelle Présidente de la Commission européenne.