Vote préférentiel : « je n’aurais jamais été élu dans un système de nomination par les partis »

Le député européen Brando Benifei détaille le principe du vote préférentiel appliqué en Italie aux élections européennes.

On a échangé avec Brando Benifei, député européen (S&D) italien, pour qu’il nous détaille le fonctionnement du scrutin préférentiel en vigueur aux élections européennes dans son pays. Les électeurs peuvent y choisir l’ordre des candidats sur la liste pour laquelle ils votent.

Alors que les parlementaires hexagonaux travaillent actuellement au retour du scrutin de listes nationales pour les élections européennes en France, le Mouvement Européen s’oppose à ce retour en arrière et propose d’aller vers un scrutin régional ainsi que de mettre en place un système de vote préférentiel similaire à ce qui existe en Italie et plusieurs autres Etats membres de l’Union européenne.

Comment les Italiens votent-ils aux élections européennes ?

Brando Benifei : Le système électoral italien fonctionne avec des listes sans hiérarchie entre les candidats. L’électeur choisit l’une des listes présentées par les partis politiques puis détermine un ordre de préférence des élus sur la liste. On ne note pas les candidats par un numéro comme dans d’autres pays mais on marque soi-même le nom de famille des candidats au sein de la liste que l’on choisit.

L’élection se fait à travers 5 circonscriptions macro-régionales. Pour ma part, je suis élu dans la circonscription du Nord-Ouest, qui compte 16 millions de personnes, soit une population équivalente à celle des Pays-Bas.

Selon vous, quels sont les avantages et inconvénients d’un tel système ?

B.B. : Je suis le plus jeune membre du Groupe Socialistes & Démocrates au Parlement européen. Je n’aurai jamais été élu dans un système de nomination classique par les partis. Le Parti démocrate italien, auquel j’appartiens, aurait préféré présenter un « poids lourd » plus âgé, avec une carrière plus longue. J’ai été élu seulement parce que ce sont les citoyens italiens qui choisissent la personne qu’ils souhaitent voir siéger au sein du Parlement européen.

Le vote préférentiel oblige le candidat à développer des moyens de communication élargis, pour toucher le plus de citoyens possibles, surtout en dehors des partis. Et ce, bien plus que d’autres députés européens élus avec un système plus traditionnel. Ces derniers peuvent faire bloc derrière la campagne déployée par leur parti politique.

Néanmoins, si le système préférentiel permet l’émergence de nouveaux profils dans la vie politique, il facilite également l’arrivée impromptue de candidats plus riches à même d’investir dans des moyens de communication plus efficaces. Il permet aussi le maintien de candidats implantés de longue date dans leur région, qui ont pu se ménager un fief électoral local.

Le mode de scrutin influe-t-il sur le cours du mandat ?

B. B. : Ce système exige de passer un temps considérable dans sa circonscription. Il faut arpenter le terrain et  les réunions publiques, tous les événements où l’on peut rencontrer les citoyens. Les élus italiens y consacrent bien plus d’énergie que certains députés élus sur des listes en blocs. Logiquement, on passe moins de temps à Bruxelles pour faire avancer ses dossiers et on perd en influence par rapport aux députés européens allemands, par exemple, que je vois revenir sur le terrain une à deux fois par mois.

Le vote préférentiel oblige par ailleurs à mener une campagne de terrain intensive. Aux élections européennes de 2014, j’ai fait imprimer 500 000 livrets de promotion, l’un de mes compétiteurs est allé jusqu’à 1 million de documents. Côté financier, les partis viennent en aide aux têtes de liste, qui ont une plus grande visibilité et finissent généralement élus. Les autres candidats s’occupent traditionnellement par eux-mêmes du fundraising.

Le système préférentiel existe en Italie depuis les premières élections européennes au suffrage universel de 1979. En conclusion, il faut bien noter que ce mode de scrutin constitue un transfert du pouvoir détenu par les partis vers les citoyens.

Pour aller plus loin : consultez la tribune parue dans les Echos « Elections européennes : un recul pour l’influence de la France et de ses citoyens ? » par Yves Bertoncini, Président du Mouvement Européen, et Thierry Chopin.