Un maire européen – épisode 4
A l’approche des élections municipales, nous sommes allés à la rencontre des signataires du Label ville Européenne. Nous rappelons que le Label Ville Européenne agit à la manière des villes fleuries. Il récompense d’un à cinq drapeaux européens les communes s’engageant pour l’Europe. Une charte définit clairement les objectifs à atteindre dans variantes catégories (pédagogie, culture, information, …). Plus d’informations sur les plus de 100 signataires en suivant ce lien.
Rayan Nezzar, candidat tête de liste dans le 20e arrondissement de Paris, est signataire du label.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le label Ville européenne à l’occasion des élections municipales ?
C’était naturel. C’est générationnel mais aussi un engagement politique. Mon engagement européen est connu, j’ai d’ailleurs publié le livre « Génération Europe ». Je plaide pour que l’Union européenne appartienne aux Européens et pas qu’aux responsables européens. Tous les échelons doivent avoir conscience de cette croisée des regards. On a nos identités, cet attachement très local, cette fierté nationale et une culture européenne humaniste. Il suffit d’aller au cinéma, dans une bibliothèque, dans un théâtre, pour se rendre compte que la culture européenne a inspiré la culture française.
Les élus locaux doivent prendre conscience que dans leur bassin de vie, il y a des Portugais, des Roumains et d’autres citoyens européens – c’est notamment le cas dans le 20e – et qu’ils peuvent s’exprimer lors des votes pour les municipales mais qu’il faut les inclure tout au long du mandat. Cette Europe m’est chère, ce dont nous avons hérité est précieux mais aussi en danger.
A titre d’exemple, le taux de pauvreté dans le 20e est supérieur à celui national et il y a une solidarité à travers les banques alimentaires, les associations d’hébergement d’urgence, mais les citoyens ne savent pas que l’Union européenne aide à financer cette solidarité.
Les maires ont aussi un rôle dans l’agora européen pour peser dans les négociations sur le budget de l’Union européenne et dire que la politique de cohésion est essentielle.
Il existe une multitude de labels, comment faire vivre celui-ci au quotidien ?
On peut exposer des artistes européens au Pavillon Carré de Baudouin (lieu culturel administré par la mairie du 20e), diffuser des œuvres européennes dans les cinémas et les bibliothèques par exemple.
Dans notre programme, nous prévoyons une agora de citoyens tirés au sort. Cela inclura des citoyens européens non français inscrits sur les listes électorales mais également celles et ceux qui n’y sont pas inscrits. Car on sait que beaucoup n’ont pas l’information. Cette agora pour inscrire un point à l’ordre du jour du conseil municipal et les Européens pourront faire ressurgir leurs problématiques ou inspirer les autres à travers d’exemples de leur pays d’origine.
Il est important d’avoir des actions spécifiques envers eux mais aussi de les inclure dans celles générales.
Par exemple, nous voulons préempter des locaux pour permettre à des auto-entrepreneurs et des artisans d’exercer leur activité mais aussi leur proposer des formations. On sait que des citoyens européens veulent parfois créer des entreprises en France mais n’ont pas toujours toutes les connaissances de l’administration française. Le plan local d’insertion et d’emploi sera renouvelé mais des objectifs vont changer. Nous allons notamment renforcer l’objectif linguistique qui les concerne particulièrement.
Paris doit intensifier les réseaux entre métropoles européennes car elle a beaucoup à apprendre de ses homologues européens. Elle est extrêmement dense et a des loyers trois fois plus élevés. Londres a par exemple l’équivalent des arrondissements mais qui ont beaucoup plus de compétences, Ljubljana s’est engagé dans le zéro déchet, Vienne est beaucoup plus propre, Tallin dématérialise beaucoup de démarches administratives, Amsterdam a beaucoup plus développer la mobilité par vélo.
Les élus portent différents engagements politiques. Comment comptez-vous inclure les agents municipaux à réaliser celui-ci ?
Nous voulons créer un guichet unique d’accueil administratif qui concernera aussi les citoyens européens non français. Cela nécessité des formations mais il n’y a pas d’obstacle juridique ou administratif. Il ne s’agit pas pour les agents municipaux de savoir répondre à toutes les questions mais ils doivent gérer la complexité administrative à la place des citoyens, surtout pour les citoyens européens non français. Ils ne doivent pas être trimballés de guichets en guichets. Cela pourra permettre de créer des passerelles entre les agents municipaux, les services de la région, des ministères ou de la Représentation en France de la Commission européenne. Ca peut être très enrichissant pour les agents municipaux.
Ce label a tout un volet pédagogique. Comment entraîner les élèves, les professeurs et les parents d’élèves dans cette démarche ?
Un levier formidable est les activités périscolaires. Elles sont aujourd’hui beaucoup critiquées sur les inégalités entre les activités proposées. Nous proposons trois priorités : la musique, l’anglais et les sciences. Nous pouvons y valoriser la dimension européenne qui est transversale. C’est une manière d’éveiller dès la maternelle et la primaire à l’altérité culturelle en montrant les spécificités de la pop anglaise ou du jazz manouche par exemple.
Mais il ne faut pas réserver cette sensibilisation aux enfants. Il peut y avoir des débats réguliers sur les politiques européennes au niveau local. Cela ne doit pas être réservé aux élections européennes une fois tous les cinq ans. Les maires peuvent porter des ICE (initiatives citoyennes européennes) sur des thématiques qui sont chères aux habitants ou des pétitions au Parlement européen. Il faut pour cela un million de signature, nous sommes 200 000 dans le 20e, on peut y contribuer.
Il faut que les élus locaux prennent conscience de cette identité européenne. Les avocats de l’Union européenne ne sont pas qu’au Parlement européen.
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