Tribune co-écrite par les membres de l’Assemblée générale du ME-F de Mai 2020
4 mai 2020 – La célébration du 70ème anniversaire de la Déclaration Schuman le 9 mai 2020 intervient dans un contexte pandémique lourd d’énormes défis sanitaires, économiques, diplomatiques et politiques pour la construction européenne. 70 ans après la création du ME-F, nous souhaitons réaffirmer notre conviction de la nécessité d’une Union renforcée pour permettre aux Européens de mieux relever de tels défis et sortir de la crise.
Si elle n’est ni parfaite, ni irréprochable face au coronavirus, l’UE fait une fois de plus office de bouc émissaire commode pour des États-membres ayant réduit au minimum ses compétences en matière sanitaire… Les autorités nationales et régionales, qui ont limité les dégâts humains et économiques de manière plus ou moins efficace, ne sauraient donc se défausser de leurs propres responsabilités ! En dépit des manifestations « de chacun pour soi » et d’une coordination trop approximative entre les pays de l’UE, nombre d’actions de solidarité européenne ont été engagées, dont témoignent les envois de masques et de médecins volontaires ou encore l’accueil transfrontalier de patients dans les hôpitaux, notamment entre l’Allemagne et la France.
Des financements communautaires spécifiques ont aussi été alloués à la recherche médicale conjointe et à la création d’une réserve stratégique de matériel pour répondre à la pénurie européenne de masques et de respirateurs. C’est aussi à l’échelle individuelle et aux moyens de messages et de vidéos que l’esprit européen a pu s’incarner à travers des témoignages d’amitié et de soutien entre citoyens européens sur les réseaux sociaux. Face au COVID-19, l’UE a aussi répondu présente sur le registre économique et financier, afin de mobiliser dans l’urgence toutes les ressources disponibles.
La suspension rapide de l’encadrement des aides d’État aux entreprises et de la limitation des déficits publics excessifs permet à tous ses États-membres d’agir et de réagir « quoiqu’il en coûte ». Notre pays a ainsi une énième confirmation que la limite de déficit fixé à 3% de notre richesse nationale n’a jamais été un « dogme », puisqu’il va à nouveau s’en affranchir très largement au prix d’un envol de sa dette…
La Banque centrale européenne a fourni aux banques toutes les liquidités nécessaires pour le financement de leurs prêts aux entreprises et aux particuliers, tout en prévoyant d’acheter massivement la dette des Etats européens les plus en difficulté. Plus de 1000 milliards d’euros sont déjà envisagés, qui pourront si besoin être complétés ! Les 27 États membres sont parvenus à définir une réponse commune à la crise via un plan de soutien de 540 milliards d’euros : il se compose d’aides de la Banque Européenne d’Investissement aux PME, de la mobilisation du Mécanisme européen de stabilité pour les dépenses nationales en matière sanitaire et de la création inédite d’un fonds de Réassurance contribuant au financement du chômage partiel partout dans l’UE. N’oublions pas aussi que, comme depuis de longues années, c’est toujours l’UE qui finance près d’un tiers des repas servis par les Restaurants du cœur dans notre pays, à l’heure où ils sont hélas encore plus vitaux !
Parce qu’elle a fait apparaître de nombreuses défaillances européennes, la pandémie du Coronavirus doit également inciter à organiser une communication de crise beaucoup plus réactive des institutions de l’UE, une planification sanitaire renforcée au niveau européen et une coordination accrue entre les États membres. Plusieurs progrès notables doivent être faits dans les prochaines semaines et dans les mois à venir, notamment à l’approche de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, afin de sortir de la crise dans les meilleures conditions possibles. Il est à cet égard essentiel que les dirigeants nationaux mettent toute leur énergie et leurs paroles au service de la promotion d’une Europe plus cohérente et plus unie ! Cela vaut particulièrement pour la France et l’Allemagne, qui doivent plus que jamais être à la hauteur de la déclaration à la fois politique et sentimentale formulée par Robert Schuman, en faisant preuve de plus d’empathie et de respect mutuels.
En matière sanitaire, les États européens doivent tous être en capacité de distribuer des masques ainsi que de tester l’intégralité de leur population, en mettant en place la solidarité nécessaire à cette fin. Les déconfinements progressifs de nos pays permettront ainsi d’en revenir plus rapidement à un retour de la libre circulation pleinement conforme à l’esprit de Schengen. En entravant la mobilité des médecins, des transporteurs routiers et des travailleurs transfrontaliers, la crise actuelle aura d’ailleurs démontré par l’absurde combien Schengen et le marché intérieur sont des « réalisations concrètes » particulièrement précieuses pour les Européens !
Il appartient aussi aux dirigeants nationaux et aux institutions de l’UE d’augmenter fortement le budget de l’UE pour la période 2021-2027, à hauteur d’au moins 2% du PIB européen, afin qu’il contribue puissamment à la sortie de crise et à la reconstruction de nos pays. Il leur revient de doter l’UE de nouvelles ressources adaptées à l’amplitude des besoins, y compris via l’émission de dettes communes par des acteurs européens (Commission, BEI, MES, etc.), voire par l’émission commune de dettes nationales dédiées à des projets concrets. Que les dirigeants nationaux et européens profitent enfin de cette crise pour intensifier leur lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, à l’heure où toutes les ressources doivent être mobilisées au service de la cohésion sociale et de la relance économique.
En matière économique, il convient enfin de réduire la dépendance extérieure de notre continent, notamment en matière pharmaceutique. C’est dans un cadre européen qu’il faut renforcer notre autonomie, notamment via un soutien ciblé aux acteurs industriels et agro-alimentaires les plus stratégiques, pour éviter une concurrence contre-productive entre pays de l’UE. Cette approche commune est d’autant plus indispensable afin de servir les grandes priorités de l’Agenda européen en matière environnementale, industrielle et numérique : la mise en œuvre du « Pacte Vert Européen » est plus que jamais notre boussole alors que notre planète respire mieux grâce à une mise sous cloche par nature temporaire.
En frappant l’ensemble de nos pays, la crise mortifère du coronavirus ouvre aussi la porte à de nouveaux horizons pour les Européens. Les défis qu’elle suscite ne pourront être efficacement relevés que si l’Union fait montre de résilience, de volontarisme et de solidarité. Nous l’y encourageons résolument – pour que vive l’Europe !
Cette tribune a parue dans Le Taurillon le 6 mai 2020
Signataires :
Jean-Michel ARRIVÉ, Edouard BAILHACHE, Claude BARDOT, Philippe BENSAC, Yves BERTONCINI, Daniel BIGOU, Dominique BLANC, Aymeric BOURDIN, Gilles BOUTEVILLAIN, Martine BURON, Jean-Pierre CARLIN, Yves CLEMENT, Christophe CHAILLOU, Julien CHENUT, Yves COLLIN, Eric DELOIRE, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Claude DU GRANRUT, Sonia DUBOURG-LAVROFF, Cédric DUCHENE LACROIX, Schams EL GHONEIMI, Christian FRANCQ, Marie-Noëlle GABET, Pierre GIQUEAUX, Antoine GODBERT, Marcel GRIGNARD, Catherine GUY-QUINT, Sylvie GUILLAUME, Eric HAOUY, Jacques HAUSLER, Pascal HUREAU, Philippe JURGENSEN, Michel LAURENT, Philippe LAURENT, Roselyne LEFRANCOIS, Quentin LEGOUY, Charles MARECHAL, Olivier MOUSSON, Dimitri OUDIN, Eric OUI, Nadine PORTAIL, Claudine PRUVOST, Jérôme QUÉRÉ, Georges RATYE, Michel RENAULT, Claude REYNOIRD, Roland RIES, Christian RIGNOT, Emmanuel RODOCANACHI, Fausto ROTELLI, Françoise SAUVAGE, Denis SIMONNEAU, Annick SITTLER, Christian TABIASCO, Bernard THEVENET, Sabine THILLAYE, Gilles TISSOT, Michèle VENTADOUR, François VIE.