Un tournant pour la sécurité et la défense de l’UE ? Décryptage du Livre blanc sur la défense.
Traduit de l’anglais à partir de la publication du Mouvement Européen – International, disponible sur le site.
Le 19 mars 2025, la Commission européenne a présenté le très attendu Livre blanc sur la défense afin de renforcer les capacités de sécurité et de défense de l’UE dans un contexte géopolitique de plus en plus difficile et instable. Ces propositions interviennent alors que l’on marque les 100 premiers jours de la nouvelle Commission – juste deux semaines après que von der Leyen a présenté son Plan ReArm Europe –, et devraient être discutées par les dirigeants des États membres lors du Conseil européen des 20 et 21 mars 2025.
Le « Livre blanc pour la défense européenne – Préparation 2030 » a pour objectif de fournir un cadre pour le Plan ReArm Europe et de définir une nouvelle stratégie de défense à travers une série d’actions clés supplémentaires, à court terme ainsi qu’à moyen et long terme. Cela inclut la réduction des lacunes en matière de capacités, l’augmentation de l’assistance militaire pour soutenir l’Ukraine, et le renforcement des partenariats avec des pays tiers. Il vise également à soutenir l’industrie de défense européenne par une demande agrégée et des achats collaboratifs renforcés. De plus, la stratégie cherche à approfondir le marché de la défense à l’échelle de l’UE en simplifiant les réglementations et en accélérant la transformation de la défense grâce à des innovations technologiques perturbatrices. Enfin, améliorer la préparation européenne aux scénarios les plus graves est une autre priorité, avec des mesures visant à améliorer la mobilité militaire, les stocks et le renforcement des frontières extérieures. En prenant ces mesures pour renforcer la préparation de la défense européenne, la Commission vise à garantir que l’UE ait une posture de défense européenne forte et suffisante d’ici 2030 au plus tard.
Dans le cadre du Livre blanc sur la défense, la Commission a présenté davantage de détails sur le Plan ReArm Europe, qui vise à mobiliser plus de 800 milliards d’euros pour renforcer la défense de l’Europe à travers trois piliers clés. Premièrement, il permet aux États membres d’utiliser la clause d’exception nationale du Pacte de stabilité et de croissance, offrant jusqu’à 1,5 % du PIB annuel pour les dépenses de défense. Deuxièmement, l’Action de sécurité pour l’Europe (SAFE) permettra de lever 150 milliards d’euros sur les marchés financiers pour soutenir les investissements en défense en fonction des besoins des États membres. Enfin, la Stratégie de l’Union des économies et des investissements vise à mobiliser des capitaux privés pour combler le fossé de financement de la défense.
Le Livre blanc était très attendu. Cependant, étant donné l’évolution rapide des événements en Ukraine, de nombreuses propositions ont déjà été annoncées, telles que le Plan ReArm Europe. De plus, le Livre blanc, qui était censé promouvoir une intégration plus poussée pour répondre aux défis géopolitiques, reste insuffisant en termes de vision à long terme et de degré d’intégration européenne.
Position du Mouvement Européen International
Dans le contexte géopolitique en rapide évolution d’aujourd’hui, marqué par l’invasion à grande échelle de l’Ukraine et la décision de Trump de rompre le partenariat de défense de longue date entre les États-Unis et l’Europe, il est urgent de créer une Union européenne de défense (UED) robuste et pleinement intégrée, comme nous l’exposons dans notre position politique intitulée « Renforcer la sécurité et la défense en période d’instabilité géopolitique ».
La création d’une UED renforcerait la capacité de l’UE à améliorer sa résilience stratégique, ses capacités de défense collective et la stabilité régionale. Pour y parvenir, des initiatives militaires conjointes sont essentielles pour améliorer l’efficacité opérationnelle et la cohérence stratégique à travers le continent tout en réduisant les coûts pour les États membres. L’intégration des forces et la mise en commun des ressources militaires renforceraient davantage la sécurité collective et la rationalisation des coûts. Ces initiatives devraient être financées par un Cadre financier pluriannuel (CFP) renforcé, avec un financement partiel provenant des ressources propres de l’UE.
Cependant, il est crucial de garantir la cohérence et l’unité entre les États membres dans le processus de décision, soutenues par des consultations et un dialogue réguliers. Il est donc nécessaire d’établir un cadre commun de politique étrangère par la coordination via la PSDC et PESCO.
Les achats communs et les initiatives de défense collaboratives réduiront également la dépendance de l’UE à l’égard des acteurs externes, tels que les États-Unis, et permettraient à l’UE de se présenter au monde comme une entité unie et autonome—un atout essentiel dans l’environnement international actuel. Bien que l’UE fasse des progrès vers l’autonomie en matière de sécurité et de défense, la coopération avec des partenaires internationaux, comme l’OTAN, reste primordiale. La construction multilatérale de la paix, le soft power et la diplomatie sont des outils essentiels pour la stabilité mondiale et la réalisation des objectifs stratégiques. De plus, l’UE doit coopérer avec la société civile pour garantir que les aspects sociaux de la sécurité et de la défense restent au cœur des discussions politiques et budgétaires. Les partenaires sociaux jouent un rôle clé pour promouvoir l’emploi inclusif, l’égalité des sexes et les droits des travailleurs dans le secteur de la défense.
Pour établir une stratégie robuste et durable à long terme pour l’UED, il est impératif de réformer les traités de l’Union européenne, en commençant par la clause de défense mutuelle inscrite à l’article 42.7 du Traité sur l’Union européenne (TUE). Cela devrait être suivi par un passage de l’unanimité à la procédure de vote à la majorité qualifiée au Conseil, permettant des réponses plus rapides et plus efficaces aux défis émergents. De plus, un transfert accru de pouvoirs vers le Parlement européen est nécessaire pour créer une relation plus équilibrée entre les institutions de l’UE.
Traduit de l’anglais à partir de la publication du Mouvement Européen – International, disponible sur le site.