#UEdécryptée // « L’Europe est-elle antisociale ? »

Si l’Union européenne ne peut pas tout, elle agit dans de nombreux domaines pour améliorer le quotidien de ses citoyens. C’est pourquoi le Mouvement Européen France a développé des argumentaires pour défendre les acquis de l’Europe et des ripostes pour combattre les idées reçues

Le modèle social européen : pas d’économie compétitive sans progrès social !

Les pays européens partagent un même modèle social fondé sur les principes d’égalité, d’inclusion et de protection sociale, qui les distingue du reste du monde :

  • L’économie sociale de marché est un des fondements du projet européen. Elle concilie une économie hautement compétitive avec le progrès social, en tendant au plein emploi.
  • Si les États membres de l’Union ont des systèmes de protection sociale différents, ils ont tous en commun d’être financés majoritairement par la solidarité nationale, la part des assurances privées y demeurant relativement faible.

Cette ambition sociale est au cœur du projet européen, fondé sur le modèle de l’économie sociale de marché. 

L’Union européenne a aussi adopté une Charte des droits fondamentaux, contraignante pour tous les pays de l’Union, qui définit les droits des citoyens européens autour de six valeurs individuelles et universelles : dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté et justice.

Des règles communes pour soutenir la convergence ascendante en matière sociale

En pratique, au sein de l’Union européenne, les États membres ont la compétence sur les politiques sociales : chacun est libre d’organiser son système de protection sociale, c’est-à-dire de définir les niveaux de couverture sociale (retraites, maladie, chômage), les règles du marché du travail ou encore le niveau des services publics. Comme l’ont décidé souverainement les Etats membres, le rôle de l’Union se limite à d’accompagner et de compléter les politiques nationales.

Les pays européens ont cependant décidé de définir certaines règles en commun : c’est l’acquis social européen. Il fonctionne toujours sur le même principe : le niveau européen fixe des exigences minimales communes, le niveau national a toujours la possibilité d’aller plus loin. Aujourd’hui, l’acquis européen dans le domaine social est important. Quelques exemples :

  • le principe d’égalité de traitement entre salariés est affirmé dans plusieurs directives, par exemple pour lutter contre les discriminations fondées sur l’origine ethnique, le sexe, ou le type de contrat d’emploi. De même, la directive sur les travailleurs détachés affirme le principe « à travail égal, salaire égal dans un même lieu » (voir aussi la fiche décodeur sur ce sujet).
  • L’acquis social européen définit aussi des règles minimales de protection des salariés pour harmoniser les conditions de travail au sein de l’Union. Les règles européennes garantissent aux travailleurs européens le droit à la santé et à la sécurité au travail, le droit à l’information, à la consultation et à la représentation des salariés ainsi que des droits individuels, notamment sur le temps de travail (durée minimale des congés payés, temps de repos minimaux, temps maximal moyen de travail hebdomadaire) ou sur les congés de maternité (14 semaines au minimum payées au taux du congé maladie). Récemment, l’Union européenne a également adopté une législation introduisant un congé de paternité de minimum 10 jours, un congé pour les aidants qui travaillent et modernisant le congé parental d’une durée de 4 mois afin d’inciter davantage les pères à exercer leurs droits.
  • Enfin, l’acquis social européen vise à faciliter la mobilité des travailleurs européens au sein du marché unique en évitant le dumping social et en permettant la reconnaissance des droits sociaux d’un Etat membre à l’autre à travers la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Au-delà des règles juridiques, des financements européens pour faire avancer l’Europe sociale

L’Union européenne agit aussi pour améliorer la situation sociale des citoyens européens grâce aux fonds européens, qui sont l’expression la plus concrète de la solidarité entre les États membres. Le Fonds social européen (FSE) est le principal instrument dont dispose l’Europe pour investir dans le capital humain. Il vise en priorité à aider les personnes à trouver un emploi, à intégrer les personnes handicapées dans la société ou à assurer de meilleures perspectives à tous. Pour la période 2014-2020, ce sont plus de 80 milliards d’euros qui seront investis par l’Union européenne pour financer des projets aux niveaux national, régional et local ! La solidarité des pays de l’Union se manifeste aussi par le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) qui apporte une assistance matérielle aux personnes vulnérables (un  repas sur quatre servi dans les Restos du cœur est financé par le budget de l’UE).

Enfin, l’Union européenne porte des initiatives politiques fortes pour améliorer la politique sociale des États membres. La garantie européenne pour la jeunesse en est un bon exemple : chaque État membre de l’UE s’est engagé à offrir à chaque jeune européen de moins de 25 ans, un emploi, une formation ou un stage de qualité dans les 4 mois suivant la fin de ses études ou son inscription au chômage.

L’Union européenne a lancé une démarche similaire pour l’accompagnement vers le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

Vers un « triple A social en Europe » : le socle européen des droits sociaux

Pour aller plus loin, sur proposition de la Commission, le Parlement européen et les États-membres  de l’Union ont proclamé le 17 novembre  2017 à Göteborg le « socle européen des droits sociaux » qui fixe des planchers sociaux communs à tous les États membres et constitue le minimum social dans l’Union européenne. Le socle européen des droits sociaux énoncent 20 principes communs à l’ensemble des États, comme le droit à l’éducation, la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ou le droit à un revenu minimum.

Pour mettre en œuvre ce socle européen, la Commission a présenté 26 initiatives, dont 24 ont d’ores et déjà été adoptées1.

Encadré qui fait quoi?

Les politiques de l’emploi et des affaires sociales restent largement un domaine de compétence nationale.

La politique de l’emploi européenne vise essentiellement à favoriser la coopération et les échanges  entre les Etats membres en facilitant le partage de bonnes pratiques et le développement d’actions innovantes, sans toutefois aller jusqu’à harmoniser les dispositions législatives et réglementaires des Etats membres (Articles 149 TFUE).

La politique sociale de l’Union européenne promeut le dialogue social européen et complète les actions des Etats membres dans un nombre limité de domaines : la protection et la sécurité des travailleurs, les conditions de travail, la sécurité sociale et la protection sociale des travailleurs, la protection contre les licenciements abusifsla représentation des travailleurs et des employeurs, les conditions d’emploi des ressortissants de pays tiers en séjour régulier 2, l’information et la consultation des travailleurs, l’intégration des personnes exclues du marché du travail, l’égalité femmes-hommes sur le marché de l’emploi , la lutte contre l’exclusion sociale (Articles 151 à 153 TFUE).

En dehors de ces domaines d’action, l’Union européenne ne dispose pas de compétences législatives. Elle ne peut donc pas proposer par exemple un salaire minimum dans tous les Etats membres.

Cependant, la Commission européenne propose un certain nombre de recommandations (sans effet juridique contraignant) aux Etats membres pour améliorer leurs performances socio-économiques, dans le cadre d’un dialogue approfondi et permanent appelé le « Semestre européen ».