#UEdécryptée // « Est-ce que le CETA va causer un raz-de-marée de viande canadienne et ruiner les éleveurs français ? »

Si l’Union européenne ne peut pas tout, elle agit dans de nombreux domaines pour améliorer le quotidien de ses citoyens. C’est pourquoi le Mouvement Européen France a développé des argumentaires pour défendre les acquis de l’Europe et des ripostes pour combattre les idées reçues

Les importations de viande canadienne n’ont fait de raz-de-marée que dans les commentaires politiques :

  • Les importations de viande canadienne ont diminué de 1,9% en 2018, première année de mise en œuvre du CETA : preuve que le CETA n’a pas induit d’augmentation des importations !
  • Elles ne représentent que 0,01% des importations françaises de viande.
  • Pour mémoire, la viande consommée en France est à 70% (porc) à 80% (bœuf) produite en France. Les importations ne représentent que 20% à 30% de la consommation et les importations en provenance du Canada moins de 0,003% de la consommation.

La différence de prix entre viande canadienne et française n’a pas d’effet en pratique :

  • On parle souvent d’une différence de prix de plus de 30% entre la viande canadienne et la viande française et de véritables «usines à viande» au Canada.
  • Ces chiffres ne sont pas pertinents dans le cas des échanges avec l’UE car il s’agit de viande produite aux hormones, qui reste strictement interdite en Europe. Le CETA ne changent absolument rien sur ce point.
  • Le CETA ne permet l’importation que d’une quantité limitée de viande non hormonée. Or, celle-ci est nettement plus coûteuse à produire que la viande aux hormones. Les exploitations qui en produisent sont de taille plus humaine : 36 éleveurs bovins (sur 70 000 !) ont ainsi été homologués pour exporter de la viande non hormonée en Europe, pour 4000 têtes de bétail en tout, soit une moyenne de 100 bêtes par exploitation.
  • Les exportations canadiennes de viande non hormonée sont donc beaucoup moins compétitives que les exportations de viande aux hormones. Le résultat est que les éleveurs canadiens n’utilisent qu’une toute petite partie du quota qui leur a été alloué dans le CETA : 3% des possibilités sont utilisées dans le cas du bœuf (et encore, pour le bœuf frais, car pour le bœuf congelé, ils n’ont strictement rien exporté) et 1,5% dans le cas du porc.
  • Le marché européen n’est pas vraiment intéressant pour les éleveurs canadiens : produire aux normes européennes (sans hormone pour le bœuf, sans ractopamine pour le porc) requiert des investissements importants et coûte plus cher, alors même que d’autres marchés, comme le marché asiatique, sont en plein boom, avec des prix souvent plus élevés et des exigences sanitaires moindres qu’en Europe.

Les antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance au Canada ? C’est fini !

On a beaucoup dit que les éleveurs canadiens, contrairement aux Européens, utilisaient les antibiotiques comme facteurs de croissance. Il est vrai que les Européens ont interdit depuis plusieurs années l’usage d’antibiotiques sans justification médicale et ont fait figure de précurseur dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Les traces d’antibiotiques sont interdites dans les importations européennes, toutes provenances confondues, mais la question peut se poser d’un usage en amont, dont l’effet disparaîtrait dans la viande exportée. Ce sujet a fait l’objet d’échanges d’expérience entre Européens et Canadiens dans le cadre du CETA.

Le Canada a adopté une nouvelle législation sur la surveillance vétérinaire de l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux. Depuis le 1er décembre 2018, comme en Europe, tous les antimicrobiens importants sur le plan médical (AIM) pour usage vétérinaire sont vendus uniquement sur ordonnance.

La sensibilité de la filière viande a dûment été prise en compte dans le CETA :

  • La fragilité de la filière viande a été dûment prise en compte dans les engagements qu’a pris l’Union européenne dans le CETA : toute ouverture illimitée ou incontrôlée du marché européen a été exclue d’emblée des négociations.
  • Les droits de douanes sur la viande de porc et la viande de bœuf ne sont éliminés que sur une quantité limitée d’importations (46 000 tonnes de bœuf et 70 000 tonnes de porc). La volaille est par ailleurs totalement exclue de l’accord.
  • Comme indiqué ci-dessus, les contraintes sanitaires européennes (viande non hormonée) rendent ces quotas peu intéressants pour les éleveurs canadiens et ils sont peu utilisés en pratique. Même s’ils étaient utilisés à plein, cela ne représenterait au plus que 0,6% de la consommation européenne dans le cas du bœuf (ou moins de 2 grammes par personne et par semaine) et 0,4% dans le cas du porc.

Une réalité: le CETA profite aux producteurs de fromage et aux autres exportateurs européens

  • Si les importations françaises de viande sont en baisse en 2018 par rapport à 2017, les exportations françaises de produits laitiers au Canada ont, elles, bénéficié du CETA avec une augmentation de 19% sur un an. Le quota ouvert par le Canada aux producteurs de fromage de haute qualité européens a été utilisé à plus de 99% par les producteurs européens de fromage !
  • Tous secteurs confondus, les exportations françaises au Canada ont augmenté de plus de 6% en 2018, alors que les importations en provenance du Canada diminuaient de 6% :
    • + 8% pour les produits alimentaires transformés, plus gros poste d’exportation français au Canada; + 10% pour les produits agricoles non transformés
    • + 16% sur les parfums et cosmétiques (pour lesquels les droits de douane sont passés de 6% à 0)
    • + 13,5% sur le textile et le linge de maison (droits de douane réduits de 18% à 0)
    • + 87,5% dans l’automobile (droits de douane réduits de 6% à 3%)