#UEdécryptée // « Est-ce que la dévaluation peut être une solution ? »

Si l’Union européenne ne peut pas tout, elle agit dans de nombreux domaines pour améliorer le quotidien de ses citoyens. C’est pourquoi le Mouvement Européen France a développé des argumentaires pour défendre les acquis de l’Europe et des ripostes pour combattre les idées reçues

Certains s’obstinent à regretter la belle époque où nous pouvions, selon eux, s’ajuster sans douleur en dévaluant notre monnaie quand notre déficit extérieur devenait trop important. C’est un mensonge !

  • Une dévaluation est toujours une perte de pouvoir d’achat. Les nostalgiques du Franc devraient se souvenir que la chute de la parité signifie que nos importations sont renchéries d’autant. Or, dans le panier de la ménagère française, il y a actuellement au moins un tiers de produits importés. Si nous sortions de l’euro pour retrouver une monnaie nationale – qui serait sans doute rapidement dévaluée d’au moins 20% -, l’amputation moyenne de pouvoir d’achat serait donc au moins de 6% ! C’est beaucoup plus que ce qu’impose l’austérité salariale si souvent dénoncée.
  • Une dévaluation ne réduirait pas notre dette, au contraire ! En effet, celle-ci est libellée essentiellement en euros et en dollars. Traduite en une nouvelle monnaie nationale dévaluée, la valeur de cette dette s’accroîtrait d’autant, à moins de faire partiellement banqueroute comme l’a fait l’Argentine ; est-ce cela le modèle qu’on nous propose ?
  • La charge des intérêts à payer deviendrait beaucoup plus lourde. Une sortie de l’euro entraînerait inévitablement une dégradation de la notation de la France sur les marchés et une hausse de la « prime de risque » sur nos emprunts. Loin de retrouver des marges de manœuvre, notre budget national en serait lourdement obéré : avec une dette de plus de deux mille milliards d’euros, un seul point de hausse du taux d’intérêt moyen de nos emprunts coûterait au budget plus de vingt milliards d’euros, soit l’équivalent du tiers de nos dépenses totales d’éducation ou deux fois le coût de l’assurance-chômage !
  • Une dévaluation n’améliorerait pas rapidement notre solde extérieur ; au contraire, dans un premier temps, elle le détériorerait. En effet, le surcoût des importations entraînerait une charge supplémentaire immédiate et donc un déficit accru de la balance des paiements, tandis que la compétitivité améliorée de nos exportations ne permettrait que progressivement d’accroître leur volume – et encore, à condition seulement que l’appareil productif suive et que le gain immédiat de compétitivité ne soit pas effacé par l’inflation, elle-même alimentée par la dévaluation. C’est ce que les économistes appellent « l’effet de courbe en J ».
  • Manipuler les parités est de toute façon devenu illusoire du fait de la répartition internationale du travail (« l’intégration des chaînes de valeur »). Comme le montre l’exemple de l’Airbus, pour fabriquer un produit fini et l’exporter, il faut importer beaucoup d’éléments ; en cas de dévaluation, la hausse de leur coût annulerait largement le gain de compétitivité espéré.

 Les pays à « monnaie forte » en souffrent-ils ?

C’est la contre-épreuve. S’il était si avantageux d’avoir la possibilité d’affaiblir sa monnaie, les pays à monnaie forte devraient en souffrir. Or les pays champions de la performance économique n’ont jamais dévalué ! C’est le cas de l’Allemagne, qui a constamment réévalué sa monnaie nationale, le mark, quand nous dévaluions la nôtre à répétition. Or c’est bien l’Allemagne et non la France qui a renforcé son industrie et maintenu sa part de marché mondiale, quand la nôtre déclinait fortement.

Il est vrai que nos voisins ont plus que compensé la force de leur monnaie (mark, puis euro) par un freinage marqué de leurs coûts salariaux, qui leur a permis de retrouver une forte compétitivité. C’est ce qu’on appelle parfois une « dévaluation interne », processus toujours douloureux.

Idem pour le Japon, dont la monnaie nationale, le yen, n’a cessé de se réévaluer sans compromettre pour autant la « croissance à la japonaise » que tous enviaient, jusqu’aux années 1990. Si cette croissance a cessé d’être rapide, c’est notamment pour des raisons démographiques, qui n’ont rien à voir avec le taux de change.

tiré du Dictionnaire des idées reçues de la Ligue Européenne de Coopération économique