#UEdécryptée // « Est-ce que Bruxelles dicte sa politique économique à la France ? »

Si l’Union européenne ne peut pas tout, elle agit dans de nombreux domaines pour améliorer le quotidien de ses citoyens. C’est pourquoi le Mouvement Européen France a développé des argumentaires pour défendre les acquis de l’Europe et des ripostes pour combattre les idées reçues

Pourquoi faut-il coordonner les politiques économiques entre les pays de l’Union européenne ?

Parce que nous partageons la même monnaie. Si un État membre s’affranchit des règles communes et mène une politique d’endettement public excessif, cela peut avoir des effets néfastes pour les autres pays partageant la même monnaie. Par exemple, en augmentant sa dette de manière excessive, un État pourrait se trouver en défaut de paiement. Ne pouvant plus emprunter sur les marchés financiers pour financer ses dépenses publiques, ou à des taux rédhibitoires, comme c’est arrivé à la Grèce en 2010, il ferait peser un risque sur la stabilité financière et bancaire de l’ensemble de la zone euro. La hausse des taux d’intérêt, en se propageant aux pays de la zone euro ayant les finances publiques les moins solides, pourrait entraîner un défaut de paiement, une panique bancaire, etc.

Le respect des règles vise à assurer la sécurité de tous

Nos économies sont fortement imbriquées. 60 % des exportations françaises se font à l’intérieur de l’Union européenne. Une crise dans un État membre peut donc avoir des conséquences économiques négatives et se propager dans les autres pays, comme l’a montré la crise financière et économique de 2008. Les pays de l’UE coordonnent donc leurs politiques économiques pour mieux détecter, prévenir et corriger les évolutions économiques problématiques (accumulation de dettes, bulles financières ou immobilières) pouvant freiner la croissance et mettre en danger non seulement l’économie d’un pays, mais aussi celle de ses voisins.

La coordination des politiques économiques: comment ça marche, qui décide quoi ?

Tous les ans en février, la Commission européenne établit un bilan de santé économique pour chaque État membre. Le dernier rapport sur la France, publié le 27 février 2019, est disponible ici. Elle propose ensuite des recommandations de politiques économiques sur mesure. Ces recommandations sont discutées et approuvées par les chefs d’État ou de gouvernement en juin (lors du Sommet européen).

Elles sont ensuite prises en compte par les pays lors de la préparation de leurs budgets à l’automne.

Il s’agit bien de recommandations et non pas d’obligations. Certes on fixe des objectifs, mais les États membres sont libres de choisir les moyens d’y parvenir. Bruxelles ne «dicte» donc pas sa politique économique aux États membres !

Il existe deux cas de figure où des procédures peuvent être ouvertes à l’encontre de pays dont la situation économique risque de mettre en péril non seulement leur propre stabilité, mais aussi celle de leurs voisins:

  • Situation budgétaire: la procédure de déficit public excessif est déclenchée lorsque le déficit public excède 3% du PIB (sauf si ce dépassement est limité, temporaire et exceptionnel) et l’endettement public, 60 % du PIB (à moins qu’il ne diminue suffisamment). Ces critères correspondent à des engagements communs relevant du Pacte de stabilité et de croissance qui sont inscrits dans les traités européens.

Il est important de préciser que le déficit de 3% n’est pas un objectif, mais un seuil d’alerte à ne pas dépasser. L’objectif est celui du quasi-équilibre budgétaire («règle d’or»), inscrit dans un traité intergouvernemental[1] signé par la France en 2012. Cet équilibre est aujourd’hui quasiment atteint par les membres de la zone euro. Le déficit public agrégé pour la zone euro est en effet passé de 6,2% en 2009, au temps fort de la crise, à 0,6% en 2018.

Pour autant, si les pays sont tenus par des règles budgétaires et ne doivent pas dépasser certains seuils d’alerte (déficit n’excédant pas 3% du PIB et dette publique n’excédant pas 60% du PIB), ils sont totalement libres de décider de leur modèle économique et social. Certains ont des dépenses publiques et sociales élevées (supérieures à 54% de leur PIB pour la France et la Finlande) et d’autres plus faibles (26% pour l’Irlande), la moyenne de la zone euro se situant à 47%[2]. Les pays sont également totalement libres de répartir ces dépenses comme ils le souhaitent (éducation, santé, retraite, défense, etc.). Les règles fixées au niveau européen sont établies pour s’assurer que ces dépenses sont finançables (sans générer de déficits excessifs et aggraver la dette du pays) et qu’elles n’obèrent pas la compétitivité du pays, afin d’éviter des déséquilibres qui, à terme, sont dangereux pour le pays lui-même, pour la zone euro et pour l’UE dans son ensemble.

  • Déséquilibres macroéconomiques: la procédure de déséquilibre macroéconomique est déclenchée si la Commission estime qu’il existe des déséquilibres excessifs importants et susceptibles d’avoir des conséquences économiques néfastes pour l’État membre considéré ou pour ses voisins (par la détection, en amont, de problèmes précis représentant une menace pour la stabilité économique et financière commune: bulles immobilières, pertes importantes de compétitivité, etc.).

Ces deux procédures incluent un système de surveillance accrue par les institutions européennes (Commission et Conseil des ministres). L’État membre concerné doit élaborer des mesures correctives selon un certain calendrier. Faute de quoi, il s’expose, dans certains cas, à des sanctions financières (cas par exemple de la Hongrie en 2012).

Et la France dans tout cela ?

Depuis mai 2018, la France n’est plus considérée en situation de déficit public excessif, son déficit public ayant été inférieur à 3% en 2017 et 2018, ni en situation de déséquilibre macro-économique excessif, grâce à une légère amélioration de la compétitivité de son économie.

La France s’est engagée à respecter les recommandations du Conseil[1] des ministres de l’UE, adoptées le 13 juillet 2018, visant notamment à réduire son endettement public et augmenter l’efficience de ses dépenses publiques, à poursuivre les réformes du système d’enseignement et de formation professionnels pour qu’il réponde aux besoins du marché du travail, à favoriser la croissance des entreprises par une simplification du système fiscal et une meilleure efficience des systèmes de soutien à l’innovation. L’ensemble de ces recommandations ont été discutées avec le gouvernement français qui les a acceptées et a décidé des moyens pour les mettre en œuvre.