Dans cette période troublée et pas seulement par le Brexit, il nous faut retrouver la confiance de nos concitoyens. Tribune de Patrick HOGUET – Président du Mouvement Européen-Eure et Loir.
Quatre questions me paraissent devoir être traitées prioritairement, que je suis prêt à développer si nécessaire.
1 – Je ne crois pas en la viabilité à court ou moyen terme d’une renégociation des traités de Lisbonne dont le résultat quelle qu’en soit la teneur aurait peu de chance d’être ratifié sans accidents de parcours ici ou là. En revanche, je pense qu’il serait plus réaliste de proposer, dans le cadre de la zone euro, quelques amendements aux dispositions existantes (mise en place d’un budget spécifique ; possibilité pour cette même zone euro de recourir à l’emprunt afin, d’une part, de soutenir les dépenses d’investissements destinés à relancer l’activité et à renforcer la compétitivité de nos entreprises et, d’autre part, d’aider les pays en difficulté soucieux de rééquilibrer leur comptes à prendre les mesures structurelles de redressement nécessaires; implication des parlements nationaux dans le processus d’examen annuel des dispositifs budgétaires etc…). J’ajoute à ces mesures l’opportunité qu’il y aurait de conclure, avec les pays qui le souhaiteraient, un mémorandum d’accord destiné à unifier progressivement les fiscalités applicables aux entreprises et aux revenus des particuliers (cf à cet égard les suggestions de VGE dans son livre EUROPA). Pour les prestations sociales le débat sera plus difficile à faire progresser mais il devra parallèlement être posé.
2 – Renégocier Schengen pour mettre en place un dispositif communautaire de contrôle des frontières extérieures de l’Union étant entendu que les gouvernements qui en refuseraient la mise en œuvre sur leur territoire pourraient se voir appliquer, sans limitation de durée, une clause dérogatoire à la liberté de circulation à l’intérieur de l’Union et donc le rétablissement d’un contrôle à leurs frontières. Parallèlement, à défaut ou dans l’attente d’un consensus communautaire sur les politiques d’asile et d’immigration un accord intergouvernemental devrait être passé dans ces deux domaines entre les pays qui y sont prêts, afin de traiter de façon cohérente, et sous ses divers aspects, la crise migratoire actuelle. Là encore des conséquences en matière de rétablissement des contrôles à leurs frontières intérieures seraient à envisager pour les pays qui ne souhaiteraient pas s’associer à un tel accord. Il y a là, vous l’avez souvent souligné, une attente forte de remise en ordre de la part de nos concitoyens.
3 – Proposer un traité spécifiquement consacré aux questions plus générales de sécurité, interne et externe. Force est de constater que les traités antérieurs ont été principalement conçus pour s’adresser à l’unification économique et monétaire de l’Europe. Dès lors les clauses concernant la coopération policière et judiciaire, la diplomatie et la défense commune n’y ont fait l’objet que de quelques articles incidents. L’adoption d’un tel texte devrait permettre de préciser la vision commune des Etats participants sur les valeurs et identités à défendre, sur les moyens à mutualiser et sur les dispositions institutionnelles à promouvoir qui seraient nécessairement, pour certaines d’entre elles en tout cas, intergouvernementales s’agissant de sujets éminemment régaliens. Un tel traité, à finalité protectrice, aurait de fortes chances, même en cas (du moins chez nous) de procédure référendaire, d’être approuvé, car nos concitoyens ont désormais pris conscience, au vu des tragiques évènements récents, des dangers auxquels nous devrons faire face ensemble… et peut être par nous-même si les idées de Trump venaient à s’imposer !
4 – Au plan national, proposer de nommer un « vice premier ministre en charge des questions européennes » (le secrétaire d’Etat actuel étant quelque part aux environs du 30è rang dans la hiérarchie gouvernementale !). Cette personnalité, qui agirait sous l’autorité directe du Président et du Premier ministre, serait dès lors dotée d’une compétence interministérielle incontestable pour le traitement (à Paris comme à Bruxelles) des dossiers européens et, son rang éminent, lui garantirait d’être reçue à un niveau élevé et donc décisionnel lorsqu’elle entreprendrait, chaque fois que nécessaire, de faire la tournée des capitales pour y expliquer et défendre les propositions et positions françaises.
Ces instruments novateurs, si la France réussissait à les faire prévaloir, seraient de nature – sans bouleverser l’acquit ni négliger les nécessités d’un sursaut économique – à donner toute sa place dans les actions européennes au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de nos pays. Cela ferait utilement écho au constat, de plus en plus partagé, que nos Etats ne peuvent plus assurer seuls les protections indispensables de leurs populations. Nul doute qu’à coté des enjeux économiques c’est aussi à l’aune des réponses qui seront données à ces défis majeurs que l’Europe sera jugée désormais !
Patrick HOGUET