Stratégie de sécurité américaine : « Construire de toute urgence une Union européenne plus souveraine »

A la suite de la publication de la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis, publiée le 5 décembre 2025 par l’administration Trump, le Mouvement Européen – International lance un appel de la société civile européenne aux dirigeants européens et à l’exécutif de l’Union européenne pour prendre les mesures qui s’imposent et renforcer notre indépendance.

L’Union européenne est confrontée à des défis sans précédent à un moment où l’ordre multilatéral fondé sur l’ONU est soumis à des attaques soutenues. La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, ainsi que la posture conflictuelle de Trump à l’égard de l’Union européenne, comme l’a confirmé la Stratégie de sécurité nationale récemment publiée, constituent des menaces existentielles pour l’avenir de la démocratie européenne et de nos libertés fondamentales.

Les dirigeants européens et les institutions de l’Union européenne doivent défendre fermement nos valeurs et, ce faisant, démontrer la force de l’Union européenne et son utilité dans la défense de la sécurité, de la prospérité, de l’ordre juridique et des droits humains en Europe, ce à quoi les Européens s’attendent de la part de notre Union.

Même si nous voudrions croire que les États-Unis demeurent un allié, les déclarations publiques du président Trump et de plusieurs figures majeures de son administration montrent clairement que les concessions unilatérales n’ont ni réduit l’imprévisibilité ni renforcé la stabilité transatlantique.

A l’inverse, nous nous trouvons confrontés à une critique ouverte de l’Union européenne et de ce qu’elle représente, ainsi qu’à une offensive concertée contre nos gouvernements démocratiquement élus et les institutions européennes, avec l’intention déclarée de porter au pouvoir des mouvements populistes et extrémistes qui amèneraient à une Europe divisée, marquée par le nationalisme, la fragmentation, la faiblesse et la vassalisation.

La Stratégie de sécurité nationale cherche à saper les fondements mêmes du projet européen, une Union démocratique fondée sur des valeurs et l’État de droit. Elle soutient explicitement des acteurs d’extrême droite et nationalistes qui cherchent à remettre en cause nos droits fondamentaux et à affaiblir la capacité de l’UE à les défendre.

L’Europe doit donc en tirer les conclusions qui s’imposent : notre sécurité, notre défense, notre prospérité et notre démocratie ne peuvent être protégées que si nous agissons ensemble. L’autonomie stratégique est une nécessité absolue. L’Union européenne doit s’adapter rapidement, être en mesure d’agir comme un acteur indépendant, assumer pleinement la responsabilité de sa propre sécurité et de sa propre défense, poursuivre ses intérêts et défendre ses valeurs fondatrices, tant en interne que sur la scène mondiale, avec une crédibilité renforcée et dans un cadre de souveraineté partagée entre ses États membres, tout en recherchant une coopération politique et économique renouvelée avec des États partageant les mêmes valeurs.

Ce n’est qu’en réaffirmant son soutien à la gouvernance démocratique, aux droits humains, à la prospérité économique et aux droits sociaux que l’Union européenne pourra renforcer la cohésion sociale et la résilience démocratique face aux tentatives de diviser et fragmenter notre Union. De plus, l’Union européenne peut, et doit, combler le vide laissé par les États-Unis dans le système multilatéral mondial, défendre activement le droit international et protéger les institutions multilatérales telles que l’ONU.

Une condition préalable tant au pouvoir géopolitique qu’à la sécurité sociale est la construction d’une Europe plus compétitive, capable d’assurer une prospérité commune pour les Européens. La mise en œuvre complète des rapports Letta et Draghi sur l’achèvement du marché unique et sur la compétitivité européenne d’ici 2028 peut aider l’Union européenne à atteindre cet objectif. Une Europe compétitive est aussi une Europe durable ; les efforts visant à simplifier les législations européennes ne doivent pas se faire au prix du démantèlement d’éléments essentiels des protections environnementales et sociales.

Nous devons également doter l’Union européenne d’un budget d’une ampleur suffisante pour financer de véritables biens publics européens, notamment dans les domaines de la défense, de la recherche et de l’innovation, du logement, de l’éducation et des compétences, tout en préservant les protections sociales et environnementales, la cohésion régionale et la politique agricole. 

En outre, le budget de l’UE doit continuer de soutenir une société civile dynamique ainsi qu’une Europe ouverte sur le monde, dont les relations extérieures et l’aide au développement sont ancrées dans les valeurs de l’Union, dans le plein respect du contrôle parlementaire et du rôle des régions et des villes. Ce nouveau budget renforcé devrait être financé par des ressources propres ambitieuses et véritables.

Cependant, retrouver de la compétitivité et moderniser le budget ne suffisent pas à construire une Europe géopolitique. Les États membres réunis au Conseil européen doivent donc avancer rapidement vers une défense commune européenne, comme le prévoit l’article 42 du Traité sur l’Union européenne. En l’absence d’unanimité, cela peut être réalisé au moyen d’une coopération structurée permanente entre les États membres qui le souhaitent, ou par un traité ad hoc, comme cela a été fait lors de la création de l’accord de Schengen sur la libre circulation (un « Schengen de la défense »). Cela doit mener à un véritable système européen de défense, capable de mobiliser ensemble les forces armées des États membres en cas d’agression contre l’un d’entre eux, incluant le renforcement de la Capacité de déploiement rapide et la création d’un centre européen de commandement et de contrôle.

Pour y parvenir, nous devons avancer résolument vers une intégration plus étroite afin de faire face à ces défis critiques, garantir la souveraineté européenne et respecter les valeurs et droits fondamentaux. Des décisions ambitieuses et un leadership politique sont nécessaires, au-delà des intérêts nationaux étroits et des ambitions politiques personnelles. Si nous échouons, si nous ne sommes pas assez courageux pour relever ce défi dans l’unité, nous risquons de périr divisés, contraints d’accepter que le destin du monde soit décidé sous l’autorité politique de Donald Trump, dans un partenariat ambigu avec Vladimir Poutine et Xi Jinping.

À cette fin, l’Europe doit dépasser les veto nationaux pour les décisions en matière de politique étrangère, de défense et de finances communes, qui empêchent l’Union d’agir rapidement lorsque cela est le plus nécessaire. Le pouvoir de bloquer les avancées supprime l’incitation au compromis et à la recherche du consensus. Dans tous les systèmes démocratiques, les décisions se prennent à la majorité, et l’Union européenne a démontré sa capacité à intégrer et à tenir compte des points de vue de tous ses membres lorsqu’il s’agit de parvenir à un accord sur des questions importantes pour l’ensemble de l’Union. Les traités existants contiennent des clauses (les fameuses « clauses passerelles ») permettant de passer de l’unanimité à la majorité qualifiée, mais celles-ci n’ont pas encore été utilisées. Les décisions en matière de politique budgétaire et fiscale, de politique étrangère, de sécurité et de défense, ainsi que l’adhésion de nouveaux États membres, doivent être prises à la majorité qualifiée, y compris pour les révisions futures des traités.

Aux côtés des États membres au Conseil européen, le Parlement européen joue un rôle essentiel dans la conduite de ces changements. Il peut également élargir le soutien en réunissant les parlements nationaux et les citoyens à travers des assemblées conjointes, conçues pour les impliquer directement dans la définition et l’adoption des réformes politiques nécessaires.

Nous prévoyons donc de poursuivre la création d’une coalition pro-européenne renouvelée, transpartisane et interinstitutionnelle, réunissant les États membres les plus engagés au sein du Conseil européen, les majorités pro-européennes au Parlement européen et dans les parlements nationaux, la Commission européenne, les autorités régionales et locales, ainsi que la société civile organisée en faveur de l’Europe. Ensemble, nous nous mobiliserons aux niveaux local, national et européen pour soutenir ces objectifs, dans le but de construire de toute urgence et sans délai une Union européenne plus souveraine, plus démocratique et plus efficace.

 

Retrouvez la version originale de la déclaration sur le site du Mouvement Européen International.