Les députés européens Nicolas Bay, Karima Delli, Jérôme Lavrilleux et Gilles Pargneaux ont échangé sur l’émergence de l’Europe sociale et la sauvegarde de l’Etat de droit sur le continent le 23 mars à Rouen lors du Grand Oral des Eurodéputés organisé par le Mouvement Européen – Seine-Maritime.
Vers une Europe sociale ?
« La politique sociale n’est pas une compétence de l’Union européenne » rappelle Jérôme Lavrilleux. À ce titre, le député pense qu’il n’est pas possible de juger de ses dysfonctionnements « à l’aune des disparités sociales entre ses membres ». Aux côtés de sa collègue Karima Delli, il applaudit la création prochaine d’une Autorité européenne du travail qui permettra de vérifier que chacun est contrôlé de la même manière, « que chaque pays applique sérieusement les normes européennes » et ainsi d’éviter le dumping social. Selon lui, l’Union doit aboutir non pas à une « unification », mais à une « harmonisation » des acquis sociaux, au risque de voir une concurrence déloyale se développer sur le continent.
En réponse, Nicolas Bay conteste la nécessité d’intervenir : « harmoniser à l’échelle européenne n’est pas le rôle de l’Union : cela pose la question de savoir quels sont les domaines dans lesquels l’Europe peut intervenir éthiquement en faveur des nations et quels sont les domaines dans lesquels elle doit respecter une totale souveraineté ». A titre d’exemple, la création d’un SMIC européen médian provoquerait pour le député un effondrement total du pouvoir d’achat en France où le salaire minimum s’élève à 1500 euros brut, contre la moitié en Italie et en Espagne, et 350 euros dans les pays baltes.
De son côté, Gilles Pargneaux considère que la révision en cours de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés a été un premier pas dans la régulation d’un statut potentiellement créateur d’inégalités. Karima Delli rappelle que désormais, on ne peut plus exploiter les travailleurs détachés car les entreprises doivent prendre en compte les frais de transports et d’hébergement.
« Il y a la nécessité d’avoir un droit d’ingérence européen »
La Commission européenne a menacé de déclencher la procédure européenne de sauvegarde de l’Etat de droit envers la Pologne en réponse à la nouvelle réforme de la justice polonaise jugée « anti-démocratique » par l’Union.
#GrandsO_UE @gillespargneaux soutient le mouvement #SolidarityWithPolishWomen en critiquant la dégradation de l’Etat de droit en Pologne et en appelant les démocrates pro-européens à se mobiliser pic.twitter.com/ryO7gfF38o
— ME-F (@MouvEuropeen_Fr) 23 mars 2018
Pour Nicolas Bay, « c’est à chaque pays de décider et éventuellement de remettre en cause un traité quand il ne souhaite pas continuer dans une voie qui ne correspond pas à ses intérêts ». « Les propos de Nicolas Bay sont une chimère » riposte Gilles Pargneaux, « mais représentent bien les discours nationalistes et anti-européens qui ont triomphé récemment dans les scrutins en Europe », note-t-il en référence à l’entrée au Bundestag allemand du parti d’extrème-droite AfD en Allemagne, ou encore la montée de l’extrême-droite en Autriche, en Italie, et en France avec la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle en 2017.
Gilles Pargneaux défend la mobilisation citoyenne pour instituer un rapport de force et dire non à ce type de discours, comme en Pologne, ou lutter contre la corruption comme en Roumanie, en citant plusieurs exemples de manifestations massives dans les deux pays. De plus, il estime que des positions doivent être prises par les membres du Conseil européen: « Il y a la nécessité d’avoir un droit d’ingérence européen pour sanctionner ces États membres s’ils ne respectent pas les valeurs fondamentales de l’UE ».
#GrandsO_UE @lavrilleux_j : personne n’a obligé la Pologne à adhérer à l’Union européenne. En adhérant, ils bénéficient notamment des fonds européens – mais doivent s’engager à respecter les principes fondateurs de l’Europe pic.twitter.com/7q5CaewXmd
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« Si on décide d’adhérer à un système, on ne peut pas simplement prendre le beurre, l’argent du beurre, la fermière et le tabouret qui est en dessous » complète Jérôme Lavrilleux qui considère comme Karima Delli que personne n’a obligé la Pologne, la République Tchèque ou la Roumanie à adhérer à l’UE. Pour le député, faire partie de l’Union européenne donne des droits, notamment pour la Hongrie de bénéficier de fonds structurels, ou pour la Pologne d’obtenir des aides agricoles, mais également des devoirs : respecter ce à quoi on s’est librement engagé, dont les textes fondateurs de la construction européenne qui comprennent un certain nombre de valeurs.
Jérôme Lavrilleux suggère une conditionnalité dans l’assignation des fonds sociaux du budget européen basée sur le respect de la loi et de la parole donnée : « s’ils ne veulent pas, ils peuvent changer de système. Je respecte éminemment la décision des Anglais de partir » complète-t-il. Karima Delli, au contraire, craint que de telles décisions nuisent aux régions et aux peuples et conclut « pourquoi est-ce que les peuples devraient payer pour les choix d’un gouvernement ? »
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