Promenade dans dix jardins européens

Le jardin des Hespérides

Pour les Grecs de l’Antiquité, ce verger réservé aux immortels se trouve aux confins de l’Occident, sur les pentes du mont Atlas ou en Hispanie, là où les chevaux du char du Soleil achèvent leur course. Ses mythiques « pommes d’or » – des oranges ou peut-être des coings – sont gardées par un dragon à cent têtes, Ladon. Le légendaire Héraclès (Hercule pour les romains) a contribué à la renommée du jardin – le onzième de ses douze travaux consistait à aller cueillir le fruit de l’éternelle jeunesse. En Europe, ce jardin est une perpétuelle source d’inspiration :

« Un souvenir qui me fait frémir encore et rire tout à la fois, est celui d’une chasse aux pommes qui me coûta cher. (…) Un jour que j’étais seul dans la maison, je montai sur la maie pour regarder dans le jardin des Hespérides ce précieux fruit dont je ne pouvais approcher. J’allai chercher la broche pour voir si elle y pourrait atteindre : (…) je piquai plusieurs fois sans succès ; enfin je sentis avec transport que j’amenais une pomme. (…) Qui dira ma douleur ? La pomme était trop grosse, elle ne put passer par le trou. Que d’inventions ne mis-je point en usage pour la tirer ! (…) A force d’adresse et de temps je parvins à la partager, espérant tirer ensuite les pièces l’une après l’autre : mais à peine furent-elles séparées, qu’elles tombèrent toutes deux dans la dépense. Lecteur pitoyable, partagez mon affliction. »
(Rousseau, Confessions, Livre I)

Les trois jardins de l’abbaye de Saint Gall

L’abbaye de Saint-Gall (une ville située au nord-est de la Suisse), grand monastère carolingien construit au VIIe siècle est dotée de trois jardins. Le premier se situe à l’intérieur du cloître (l’étymologie francique gart, qui a donné garten, gardinus signifie d’ailleurs « clôture ») ; deux allées s’y croisent à angle droit, divisant l’espace en quatre pelouses, sur lesquelles des fleurs allégoriques sont plantées. Il est un symbole du paradis terrestre, du paradis perdu. On trouve aussi dans cette abbaye suisse un jardin potager (grand rectangle pourvu de dix-huit planches), où sont plantés bette, chou, pavot, radis, laitue, anneth, échalotte, ciboulette, puis carotte, oseille, lentilles… ainsi qu’un verger qui sert aussi de cimetière. Dans le dernier jardin, l’herbularius, sont cultivées des plantes médicinales : sariette, romarin, glaïeul, pain de saint Jean, menthe Notre-Dame, herbe de sainte Marie… Il faut rappeler que jusqu’au développement des universités au XIIIe siècle, la médecine est en grande partie le privilège des abbayes !

Plan de l’abbaye réalisé au IXe siècle, et tiré du manuscrit 1092 (Stifts-Bibliothek). Les localisations des jardins sont indiquées par des rectangles verts.

Le jardin des délices

Cette peinture à l’huile sous forme de triptyque a été réalisée par le peintre flamand Jérôme Bosch dans les dernières années du XVe siècle – premières années du XVIe siècle. Le peintre de l’école primitive allemande rayonne en Europe (voyage à Venise, commande du gouverneur des anciens Pays-Bas). Sur le triptyque on reconnaît des scènes de la Genèse biblique (entre autres !). Saurez-vous retrouver l’arbre de vie ? la girafe ? une fraise géante ? un poisson volant ? Libre à vous d’interpréter ces motifs foisonnants !

Les jardins de l’Alcazar, Séville, XVIe siècle

« Estanque de Mercurio », « Jardín de la Danza », « Jardín de la Galera », « Jardín del Cenador de la Alcoba ou de Carlos V », « Jardín de los Poetas »… autant d’espaces verts en terrasse, reliés les uns aux autres au fil des époques, en plein centre de la ville espagnole de Séville. On y retrouve aujourd’hui l’empreinte de leur origine mujédare (expression musulmane adaptée au monde chrétien) et des transformations réalisées à la Renaissance par le roi Philippe III : azueljos, magnolias, canaux, cyprès, fontaines, orangers, grenadiers…

Upper Barrakka Gardens, Malte, XVIIe siècle

Les jardins surplombent le bastion de saint Pierre et Paul ou « Porta d’Italia », à La Vallette, aujourd’hui capitale de Malte. Ils datent du XVIIe siècle, et résultent d’une transformation de la partie italienne des fortifications, construites pour défendre l’île d’une éventuelle invasion turque. Les jardins donnent au fort une dimension récréative : en 1715, par exemple, le Duc de Vendôme y donne un banquet pour les chevaliers qui ont défendu la ville ; sous l’occupation anglaise à partir de 1800 y ont lieu des concerts, des festivals ; des mémoriaux de lieutenants anglais y sont installés. Le jardin et les forts qui l’entourent sont partiellement détruits pendant les raids aériens de la seconde guerre mondiale ; la plupart de cet environnement est aujourd’hui reconstruit.

Le jardin d’agrément (« Květná zahrada ») de Kroměříž, République Tchèque, XVIIe siècle

Ce jardin de Moravie, en République Tchèque, réalisé entre 1665 et 1675, tout en parterres géométriques organisés autour d’une rotonde, en labyrinthes, en sentiers en spirales, est typique du style baroque italien. Il a influencé durablement l’art des jardins moraves.

Le domaine officiel de la famille royale suédoise à Drottningholm, Suède, XVIIIe siècle

Les jardins attenant au palais royal de Drottingholm, sur l’île de Lovön en Suède ont été réalisés pour la famille royale suédoise aux XVIIe-XVIIIe siècles, et puisent dans les courants européens de cette époque : rococo italien, classique français, style paysager. Drottningholm est aujourd’hui domaine officiel de la famille royale.

Le jardin zoologique de Schönbrunn

François Stéphane Ier, empereur des Habsbourg, curieux des sciences naturelles fait ouvrir en 1752, dans les hectares qui entourent son palais, un jardin zoologique en même temps qu’un jardin botanique. Il finance des expéditions aux Indes occidentales, et en rapporte des spécimens. Au XIXe siècle, rien moins que des éléphants des chameaux ou encore des kangourous font partie du jardin. En 1828, une girafe est même offerte par le vice-roi égyptien ; les Viennois accourent pour voir cette étrange créature, et les modes s’en retrouvent influencées – on trouve alors toutes sortes de coiffures, vêtements ou accessoires « à la girafe ». Au début du XXe siècle, le jardin est agrandi, afin de loger les quelque 3470 animaux ! Le jardin compte aujourd’hui environ 600 espèces.

Jardin victorien de Kylemore Abbey, XIXe siècle

Ce jardin victorien d’Irlande de l’ouest date du XIXe siècle anglais ; par opposition au classicisme géométrique et structuré des jardins français de l’époque, souvent conçus par des architectes, il s’inscrit dans une recherche du pittoresque (littéralement, ce qui est digne d’être peint) : irrégularité des courbes, végétation dense, présence d’étangs, de prairies, d’éboulis… Son esthétique ne privilégie pas la domestication de la nature, mais sa redécouverte sous un aspect sauvage et poétique.

Le jardin botanique de Balchik, Bulgarie, XXe siècle

Le jardin botanique de Balchik possède aujourd’hui la seconde collection de plantes rares en Europe. Il est créé en 1955 en tant que jardin botanique de l’Université de Sofia, et dédié à l’étude et à la conservation de plantes rares. Il compte aujourd’hui 2500 plantes, 800 espèces végétales, et parmi les curiosités, on peut citer les 33 espèces de palmiers ou les 600 cactus géants.

Pour information

Le réseau des résidences royales européennes a été créé en 2001. Il regroupe 27 palais de 15 pays européens, et, dans l’optique de favoriser la prise de conscience d’une identité européenne commune cherche à sensibiliser les autorités publiques et la société sur le patrimoine européen partagé et à éduquer la jeune génération aux résidences royales européennes. Il favorise également parmi ses membres le partage d’expériences dans les domaines de la recherche, de la préservation et de la promotion culturelle. Parmi nos choix, seul le Palais de Schönbrunn fait partie du réseau.