« Mais qui sont ces « patriotes » qui veulent nous priver de notre patrie et de notre projet ? » – tribune de Philippe Gonnet, Président du ME-Isère

Depuis quelque temps déjà, Marine Le Pen et ses affidés en appellent aux « patriotes » pour voir élue une « Assemblée patriote », histoire de sous-entendre – sans le sous, d’ailleurs… – que les autres, partisans de la construction européenne et d’une mondialisation aussi heureuse que possible ne le sont bien évidemment pas.

Mais qui sont ces « patriotes », qui voudraient nous priver et de notre patrie et de notre projet ?

Car Marine Le Pen n’a pas plus le monopole de la patrie que, jadis, François Mitterrand ne possédait celui du cœur ! A l’inverse du défunt président, elle en est même aux antipodes…

Une chose est de dire ; une autre de faire ! En d’autres termes, il y a ceux qui sont dans l’incantatoire et ceux qui sont dans l’exécutoire…

Que vaut-il mieux donc ?

S’autoproclamer « patriote » en se refermant à l’intérieur de ses frontières, privant notre Nation d’échanges (souvent…) fructueux et l’offrant ipso facto en victime expiatoire à d’inévitables mesures de rétorsion, lui infligeant en l’espèce une double peine ?

Ou bien construire un projet raisonnable et raisonné, Pascal Lamy, qui n’est pas un adepte forcené – loin s’en faut… – du capitalisme, rappelant fort à propos que « l’Europe est l’option la plus civilisée de la mondialisation » ?

Faut-il rappeler en effet  qu’environ 50% des dépenses sociales du monde entier ont lieu en Europe ?

Et que la France… n’existe finalement pas plus que l’Europe ?

Certes, il y a les Pyrénées, les Alpes, la Méditerranée, l’Atlantique et la Manche ; mais Basques et Catalans nous indiquent à l’envi que ces « frontières » rapprochent bien plus qu’elles ne séparent. Et quid de l’Est et du Nord-Est ?

Regardez bien une carte ; la France se situe à la croisée des chemins de l’Espagne aux Flandres, et de l’Italie à la Grande-Bretagne. Loin d’être écartelée, elle a toujours développé, des Médicis à Zola en passant par Mazarin et Gambetta, l’identité profonde d’un vaste et puissant carrefour…

Quand réalisera-t-on que n’existent, de la même façon, que les Amériques, l’Afrique, l’Arctique, l’Antarctique, l’Océanie et… l’immense Eurasie ?

Que l’on ne parle d’Europe que parce que ce sont des « Européens » qui ont inventé la géographie ?

Si l’Europe existe, ce n’est qu’en tant que projet, reposant sur quatre piliers – l’humanisme monothéiste (judaïsme, christianisme et… islam !), la philosophie grecque, le droit romain et la critique des Lumières.

Et s’il n’existe pas (encore…) de peuple européen, il y a bel et bien une communauté de valeurs des plus vivantes.

Cette communauté de valeurs fonde des communautés de destin ; française – mais pas que… – dans un premier temps, européenne dans un second.

Ne laissons donc pas réécrire l’Histoire, n’acceptons pas de voir les mots dévoyés sans réagir, ne nous laissons voler ni notre patrie ni notre projet !

Car c’est être fondamentalement patriote que de se sentir citoyen européen de langue (et de nationalité…) française.

Car il faudra bien comprendre enfin que c’est en devenant Européens que nous demeurerons souverains face à un milliard et demi de Chinois, presque autant d’Indiens, une Afrique, riche de ses ressources naturelles et humaines, qui n’aspire qu’à s’éveiller, et des Amériques à trouver une place que ne leur octroient pas forcément les Etats-Unis d’Amérique du Nord.

Car être vraiment patriote, c’est penser – et construire ! – l’avenir en se souvenant que Jaurès disait « C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source. »

Point n’est besoin de rappeler ici où a conduit l’assassinat de Jaurès…

Alors, Madame Le Pen, je vous laisse à votre « patriotisme », dont on sait trop à quoi il conduit !

Vous irez dans cette direction sans moi, car mon patriotisme – et je vous interdis de me priver de ce mot comme de cette valeur ! – consiste à construire, à fédérer et à faire confiance ; à convaincre plutôt qu’à faire peur ; à adopter et à assimiler plutôt qu’à rejeter.

Pour l’amour des miens ; non pour la haine des autres…

 

Philippe GONNET

Président de la Section Isère du Mouvement Européen

Vice-président de l’Université populaire européenne de Grenoble