Invité d’Europe Soir sur Europe 1 ce mercredi 30 mai, le Président du Mouvement Européen Yves Bertoncini analyse l’actualité politique italienne suite au retrait de la coalition formée par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles, au cours d’un débat avec l’historien Jacques de Saint-Victor et le co-fondateur du média Le Vent Se Lève Lenny Benbara.
« Sergio Mattarella a fait usage de ses prérogatives » note Yves Bertoncini. Après avoir dialogué avec une coalition « improbable », composée de deux forces politiques qui s’étaient opposées pendant la campagne, il a refusé la nomination de Paolo Savona – auteur d’un ‘guide pratique pour sortir de l’euro’ – au poste de Ministre des Finances.
Une décision logique pour le Président du Mouvement Européen : la Ligue et le Mouvement 5 étoiles n’ont pas fait de la sortie de l’euro un thème de campagne et l’accord de coalition ne contenait pas d’éléments à ce propos. « Des élections seront certainement convoquées dans quelques semaines et elles permettront aux électeurs italiens – peut-être avec davantage de clarté démocratique – de s’exprimer à nouveau, sur les sujets européens comme sur les autres » complète ainsi Yves Bertoncini.
La nomination du Premier Ministre technique Carlo Cottarelli constitue dans ce cadre « une erreur symbolique très forte […] qui rappelle les mauvais souvenirs de ‘l’Europe-FMI’ ». A l’antenne, Yves Bertoncini rappelle néanmoins le besoin pour Sergio Mattarella de rassurer les marchés financiers qui « avaient commencé à sanctionner l’Italie, à demander plus d’argent pour financer une dette à 130% du PIB ».
Un conflit entre démocraties européennes
« Si on peut débattre de la pertinence du choix de Sergio Mattarella, l’Union européenne a été relativement neutre dans cette affaire-là, analyse-t-il. Elle vit avec des Ministres qu’elle ne choisit pas. Il y a aujourd’hui des Ministres d’extrême-droite dans certains pays de l’UE, en Autriche notamment. L’Union européenne n’a pas de droit de véto sur les Ministres. »
En ce sens, le Président du Mouvement Européen rappelle que les responsables politiques européens n’ont pas vocation à s’immiscer dans la vie politique de la péninsule. « Bruno Le Maire a raté une bonne occasion de se taire et le Président de la Commission européenne a demandé au Commissaire allemand Günther H. Oettinger de faire de même dans un communiqué de presse » commente-t-il en référence aux propos récents des deux hommes sur les finances italiennes.
« Mais pourquoi le Commissaire Oettinger dit ça, interroge le Président du Mouvement Européen. Parce que c’est une position populaire en Allemagne. Ce à quoi nous sommes confrontés, c’est un conflit entre démocraties. Parce que la majorité des Allemands ne pense pas comme la majorité des Italiens. Il faut penser 28 démocraties ensemble, c’est ça le défi et le péril en Europe aujourd’hui » complète-t-il.
L’Union européenne n’est pas une prison
« L’UE n’est pas une prison. Si on souhaite en sortir, on sort. Les Britanniques l’ont fait. Si on souhaite sortir de l’euro, on le fait. Les Grecs ont failli le faire. Les Italiens vont revoter, on verra ce qu’ils décideront. » Pour Yves Bertoncini « l’Italie suit une stratégie de tensions ‘à la grecque’ : ‘on va leur faire croire qu’on sort et ils vont nous sauver’. Il y voit une « crise de copropriétaires » qui se joue dans le cadre de la zone euro ou encore sur l’accueil des réfugiés.
Interrogé sur le Traité de Lisbonne, le Président du Mouvement Européen rappelle « qu’en 2005 c’était pareil : Les Français ont rejeté un Traité par référendum, les Néerlandais aussi. Il se trouve que les Espagnols et les Luxembourgeois ont approuvé ce Traité par référendum. Alors il fallait mettre d’accord des peuples qui n’étaient pas d’accord entre eux. Il est factuellement faux de dire que le Traité de Lisbonne est identique au Traité constitutionnel européen.. Simplement, il lui ressemble en effet parce qu’il fallait mettre d’accord les pays européens. »
L’opposition des partis anti-système en Europe
Si les partis anti-système émergent en Europe mais aussi partout dans le monde, Yves Bertoncini appelle à ne pas « tout globaliser sous ce vocable ‘populiste’. En Allemagne, le parti Alternative für Deutschland défie l’establishment classique et a émergé sur le rejet de toute solidarité avec les pays du Sud de l’Europe. C’est l’exact opposé de ce que souhaitent Matteo Salvini et la Ligue en Italie. Les partis anti-système, qui prospèrent dans leurs pays, s’opposent quand ils se tournent vers l’Union européenne. »
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