L’Union européenne et le financement de l’après-coronavirus

Le Président du ME-F, Yves Bertoncini, était l’invité de Marie Bernardeau sur FranceInfo ce Jeudi 26 Mars, afin de s’exprimer sur les réponses économiques des Européens à la crise du coronavirus à l’occasion du Conseil européen de printemps qui se tenait le jour-même, réunissant en visio-conférence les 27 chefs d’État et de gouvernements de l’UE et les Présidents du Conseil européen et de la Commission européenne.

En premier lieu, s’agissant de la réactivité de l’Union, Yves Bertoncini estime que malgré « un léger retard à l’allumage et même des ratés de communication face à une crise totalement inédite » dont « tout le monde a sous-estimé la portée », « les institutions européennes, avec les outils dont elles disposent, se sont quand même reprises. » La Commission européenne d’une part, en mobilisant le budget communautaire et « en flexibilisant l’usage des dépenses publiques nationales (déficit national, aides d’État) » et la Banque centrale européenne de l’autre, « en injectant massivement des liquidités dans le système économique et financier »

Pour le Président du ME-F, c’est désormais « sur le financement de l’après-crise » qu’il convient de réfléchir, y compris en posant la question de la mutualisation des dettes sur le modèle des « eurobonds ».

A la question de savoir si l’assouplissement du régime des « Aides d’État » risque d’ouvrir la voie à des États qui font cavaliers seuls, Yves Bertoncini explique que deux risques se posent en effet : le risque d’une concurrence inéquitable, puisqu’il y a des « États qui ont les poches plus profondes, plus de moyens, et qui peuvent donc injecter à leur profit davantage » ; un second risque, qui consisterait à « laisser les États, qui eux n’ont pas de moyens, notamment l’Italie, et dont les marges de manœuvre budgétaires sont très réduites (avec plus de 130% de dettes sur son PIB), dans une grande difficulté. » D’où, selon lui, la pertinence « de l’émission de dettes mutualisées, pour que, même si cette crise touche au départ tous les pays, elle puisse ensuite être affrontée de manière équitable et efficace également par tous, notamment l’Italie et l’Espagne, qui sont en première ligne et dont les marges de manoeuvre sont très étroites.»

Pour Yves Bertoncini, la Banque européenne d’investissement devrait prêter davantage aux PME et les interventions de la Banque centrale européenne pourraient permettre de racheter davantage de dettes des pays en difficulté, couplées à une activation du Mécanisme européen de stabilité.

Le recours aux eurobonds ou « corona-bonds » serait un moyen efficace « pour maintenir l’activité économique dans une Union européenne qui est interdépendante. » La mise en place d’un tel système traduit une forme de solidarité, « puisqu’il faut se porter garant, tous ensemble, des dettes qui seraient émises au niveau de l’Union européenne. Mais c’est aussi un élément d’efficacité, car si l’Italie trébuche, on en paiera tous le prix. »

Pour conclure, Yves Bertoncini fait le parallèle entre la crise actuelle et la crise financière de 2007-2008. Il note que la crise précédent a conduit l’UE à se doter d’outils ou de politiques qu’il est désormais possible d’utiliser ou d’amplifier (il cite par exemple la nécessité de parachever l’Union bancaire européenne). Il relève par ailleurs une différence essentielle dans l’origine de ces crises, qu’il estime sans doute « positive ». Contrairement à la crise précédente, il n’y aurait pas « d’aléa moral » face au Covid-19, dès lors que la responsabilité de la situation ne découle des défaillance de tel ou tel État, mais de la propagation mondiale d’un virus né hors d’Europe. Une différence qui pourrait selon lui « permettre de faire avancer la réflexion commune et aboutir, enfin, à l’émission de dettes communes en Europe ».