Tribune co-signée par les membres de l’assemblée générale du Mouvement Européen-France
Dans un contexte de remise en cause de la primauté du droit européen sur le droit national, il est d’abord salutaire de rappeler ce que l’Union européenne, ses valeurs, ses politiques et ses normes nous apportent. La crise du coronavirus aura à elle seule contribué à souligner la flexibilité et la résilience de notre Union sur les plans économique, financier et sanitaire.
Comme lors de la crise financière de 2008, l’UE a d’abord su être décisive en suspendant l’application des règles communes adoptées en matière de déficits publics et d’aides d’État aux entreprises, avant d’adopter un Plan de relance soutenant de manière salutaire les Etats en difficulté, au même titre que les interventions de la BCE. Alors qu’elle ne dispose que d’une “compétence d’appui” dans le domaine de la santé, l’UE s’est adaptée très rapidement pour devenir, fin 2021, le continent ayant produit, administré et exporté le plus de vaccins ! Au total, elle a déjà exporté plus d’un milliard de doses à destination de 150 pays, dont plus de 80 millions de doses vers des pays pauvres dans le cadre du dispositif Covax, qu’il faut amplifier. La Commission européenne a aussi annoncé la création d’une “Autorité pour la réaction aux urgences sanitaires » ainsi que la dotation d’un budget septennal de cinq milliards d’euros pour construire “l’Europe de la santé”.
Toutes ces initiatives ont résulté de compromis diplomatiques et démocratiques longuement et patiemment forgés et les résultats sont là : selon l’Eurobaromètre, le taux de satisfaction à l’égard des mesures prises par l’UE pour lutter contre la pandémie de COVID-19 a considérablement augmenté depuis l’hiver 2020-2021, avec plus de la moitié des citoyens de l’UE se disant satisfaits de sa politique.
C’est dans ce contexte que doit être abordé le débat sur la remise en cause de la primauté du droit communautaire sur le droit national, en Pologne comme en France. À rebours des mythes politiciens attribuant à 60% ou 80% de nos lois (qui dit mieux?) une origine européenne, nombre d’études évoquent plutôt le taux moyen d’environ 20%, avec de grandes variations sectorielles.
Ces études soulignent ainsi le primat du droit national sur un très grand nombre d’enjeux et de choix politiques essentiels, au regard desquels l’impact du droit de l’UE est inexistant ou très limité : éducation, protection sociale, impôts directs, droit de la famille, droit pénal, ordre public, organisation des pouvoirs nationaux et locaux, défense nationale, … L’UE n’agit que lorsque ses États membres et les parlementaires européens le jugent utile, conformément au principe de subsidiarité. Elle n’imposait pas aux Britanniques de rouler à droite ou d’adopter l’euro. Elle ne contraint pas le gouvernement polonais à légaliser le mariage pour tous. Elle ne prescrit pas des règles d’obtention d’un visa de travail pour l’ensemble des États membres. Saisie par un militaire slovène soucieux de protéger ses droits sociaux, la Cour de justice a simplement rappelé que l’UE n’avait rien à dire sur le temps de travail opérationnel des soldats, mais que le temps consacré à des tâches administratives et d’appui avait vocation à être limité ou indemnisé au-delà d’un certain niveau (l’armée n’est pas la corvée).
Le droit de l’Union européenne est en revanche beaucoup plus prégnant sur nombre d’enjeux économiques, agricoles ou environnementaux : sur ces enjeux-là, la primauté du droit européen est absolue et c’est tant mieux ! Alors que la protection de l’environnement est un enjeu vital pour notre planète et est devenue une préoccupation majeure des Français et des Européens, faudrait-il s’alarmer que plus de 40% de notre droit national en la matière soit d’origine communautaire ? Dans les domaines qui ne connaissent pas de frontières, qu’il s’agisse d’un virus pandémique, de la qualité de l’air ou du réchauffement climatique, l’action de l’UE est de première nécessité ! Des normes européennes interdisent partout sur notre continent le bœuf aux hormones et les poulets chlorés : faut-il dénoncer leur primauté ou se féliciter de leur existence ? Rappelons enfin que le respect de règles et de principes communs, y compris en matière d’Etat de droit et de démocratie, protège non seulement l’ensemble des citoyens de l’UE mais aussi ses Etats-membres : si la primauté du droit communautaire est affaire de valeurs, elle est aussi conforme à nos intérêts ! Qu’adviendra-t-il de nos travailleurs, de nos produits, de nos entreprises, si les autorités polonaises peuvent s’affranchir de nos règles communes et leur opposer une interprétation favorisant tel ou tel acteur national, sous le contrôle de juges non indépendants ?
Alors que l’optimisme civique quant à l’avenir de l’UE est à son plus haut niveau depuis 2009, rappelons-nous ce qu’elle nous apporte et investissons nous collectivement pour l’améliorer. À l’heure des interdépendances et de la mondialisation, c’est ensemble que nous parviendrons à relever nombre de grands défis et poursuivre le formidable travail engagé au bénéfice de 470 millions de personnes !
La version pdf est à retrouver : ici !
Tribune publiée dans les versions papier et numérique du journal Les Échos le 16 novembre.
Yves BERTONCINI, Président du Mouvement Européen-France
Philippe BENSAC, Vice-Président du Mouvement Européen-Cher
Daniel BIGOU, Membre du Bureau du Mouvement Européen – France
Aymeric BOURDIN, Président d’Atelier Europe
Christian CASPER, Ancien Directeur délégué pour les affaires européennes de PSA, Mouvement Européen-Paris
Antoine CHABAL, Président des Jeunes Européens – France
Jessica CHAMBA, Vice-Présidente du Mouvement Européen-France
Fabien CHEVALIER, Président de Sauvons l’Europe
Arnaud CHNEIWEISS, Délégué général de la Fédération française de l’assurance et Médiateur de l’Assurance
Yves CLEMENT, Vice-Président national du Mouvement Européen-France
Brigitte DA SILVA, Membre des délégués titulaires de la section de Paris
Marc DESRAMAUT, Secrétaire fédération Mouvement Européen Pas-de-Calais
Xavier DE RAULIN, Président du Mouvement européen Hérault
Michel DERDEVET, Président de la Maison de l’Europe de Paris, Président de Confrontations Europe
Philippe GONNET, Président du Mouvement Européen-Isère
Pierre-Jérôme HENIN, Président de The Progressive Company
Michel HENRI, Vice-président de la section Mouvement Européen-Vienne
Daniel HULAS, Secrétaire général Mouvement Européen-Rhône
Kevin JEZEQUEL, Président du Mouvement Européen Loire-Atlantique
Michel LAURENT, Mouvement Européen Gironde
Elise MAGNE, Vice-Présidente des Jeunes Européens-France en charge des relations européennes
Marie-France MAILHOS, Ancienne Présidente AEDE-France
Claude MAERTEN, Président du Mouvement Européen Pas-de-Calais
Odile MENOZZI, Présidente du Mouvement Européen Alpes Maritimes
Christian PHILIP, Homme politique français
Odile QUINTIN, Ancienne Directrice Générale, Commission Européenne
Claude REYNOIRD, Président d’honneur du Mouvement Européen Provence
Pernelle RICHARDOT, Élue de la ville de Strasbourg
Françoise SAUVAGE, Vice-Présidente émérite, Association Old’Up
Denis SIMONNEAU, Président d’Europanova
Jean-Pierre SPITZER, Membre du Bureau du Mouvement Européen-France
Christian TABIASCO, Président du Mouvement Européen Morbihan
Bernard THÉVENET, Président du Mouvement européen Vienne
Gilles TISSOT, Président d’honneur du Mouvement Européen Var
Antonella VALMORBIDA, Secrétaire générale de l’ALDA (Association Européenne pour la Démocratie Locale)