Les grands choix du “cadre financier pluriannuel” de l’Union européenne pour la période 2021-2027

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Jean Vergès est le Président d’honneur du Mouvement Européen-Provence. Il analyse dans le n°26 des Nouvelles du Mouvement Européen – Provence les négociations sur le futur cadre financier pluriannuel, qui définira le budget de l’Union pour la période 2021 – 2027.

Avec moins de 150 milliards d’euros (145 milliards d’euros pour le budget 2015), le budget annuel de l’Union européenne est un budget relativement modeste pour une organisation qui administre une communauté de peuples de plus d’un demi-milliard de citoyens. Il “pèse” un peu plus de 1% du Revenu national brut (RNB) global des 28 Etats membres de l’Union (1,22% actuellement et probablement 1,1% dans les années suivantes), un poids bien inférieur à celui du budget d’un Etat unitaire et même à celui d’un Etat fédéral.

Ce budget a connu une croissance marquée durant les premières années des Communautés européennes, puis de l’Union européenne, avant que les Etats membres n’en limitent globalement la croissance en fixant le plafond de ses ressources à 1,29% du RNB de l’Union. Le budget annuel de l’Union s’est progressivement inscrit dans un processus de prévision pluriannuelle, “le cadre financier pluriannuel” (CFP) dont l’élaboration est devenue un moment politiquement important de la vie de l’Union. Celui qui sera défini en 2018-2019 dessinera l’action de l’Union au cours de la troisième décennie du siècle (2021-2027).

I. Budgets annuels et prévisions pluriannuelles

Comme les Etats et les organisations internationales, l’Union européenne a un budget annuel voté par le Parlement européen à l’issue d’une procédure complexe dans laquelle le Conseil de ministres (les gouvernements des Etats membres) exerce une influence décisive. Comme dans tout système démocratique, le budget de l’Union est l’acte par lequel les représentants des peuples des Etats membres (le Parlement européen) et les représentants de leurs gouvernements (le Conseil de ministres) prévoient et autorisent les dépenses et les recettes de l’Union pour l’année suivante (qui correspond à l’année civile). Les prévisions budgétaires ont, au préalable, été élaborées sous l’autorité de la Commission. L’Union s’est progressivement dotée d’une procédure de prévision pluriannuelle, à moyen terme, qui lui impose de choisir un cadre de 7 ans (le CFP) dans lequel s’inscriront les budgets des sept années suivantes. Les budgets actuels de l’Union s’inscrivent dans le CFP 2014-2020 et la préparation du CFP suivant a commencé fin 2017.

C’est au cours de la préparation du CFP que sont fixées les grandes orientations de l’Union et faits les choix qu’elles exigent. L’approche financière permet des décisions plus précises que les stratégies affichées unilatéralement par les gouvernements des Etats membres, et qui ont le mérite de résulter de négociations parfois très serrées. Leur caractère pluriannuel les inscrivent dans le flux des évènements extérieurs qui affecteront l’Union, sans toujours pouvoir éviter les inconvénients d‘une certaine rigidité. Le CFP 2014-2020 n’avait pas, par exemple, prévu l’ampleur des conséquences financières de la crise migratoire de 2015. La préparation du CFP se déroule sur plusieurs années. Le prochain CFP sera décidé à la fin de 2019 et prendra effet à partir du budget de 2021, dont l’exécution reviendra à une Commission européenne différente de l’actuelle et sera contrôlée par un Parlement européen renouvelé par les élections de 2019. Le calendrier budgétaire pluriannuel ne correspond pas au calendrier institutionnel, mais il en va souvent de même dans les Etats. Le principe de continuité de l’Etat oblige les Exécutifs et les Parlements à appliquer les budgets préparés et votés par d’autres l’année précédente et à respecter les programmations pluriannuelles.

Le processus d’élaboration du CFP fait intervenir le Parlement européen, le Conseil de ministres et la Commission chargée de préparer les prévisions. Le Conseil de ministres arrête le CFP à l’unanimité après approbation par le  Parlement européen. Le pouvoir décisionnaire ultime appartient cependant au Conseil européen bien que le Traité de Lisbonne ne lui donne pas de fonction législative. C’est à son niveau que se font les arbitrages ultimes et sont donc prises les orientations à moyen terme de l’Union. Les décisions à prendre ont de telles conséquences sur les équilibres économiques, politiques, sociaux et culturels des peuples de l’Union qu’un consensus existe, au stade actuel de l‘intégration européenne, pour en attribuer la responsabilité à l’organe intergouvernemental qui réunit au sommet les   chefs d’Etat ou de gouvernement des Etats membres et qui « donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales » (art. 15,1 TUE).

La Commission a publié les premiers éléments de ses orientations à la fin de l’année 2017 dans le “Document de réflexion sur l’avenir des finances de l’UE” publié sous la responsabilité du Commissaire chargé du budget, Günther H. Oettinger. Ce document préconise une “approche flexible” jugée décevante par les premiers commentateurs (voir par exemple ceux de Jean-Guy Giraud). Les analyses qui suivent tendent moins à juger au fond ces premières estimations qu’à faire saisir la complexité des choix que les citoyens de l’Union et leurs représentants devront faire.

II. Diminution de la masse budgétaire

Les premières orientations contenues dans le document Oettinger prévoient pour la période 2021-2027 une masse budgétaire globale limitée à 1,1% du RNB de l’Union, donc nettement inférieure à celle du CFP 2014-2020 (1,22%). Ce choix décisif résulte d’une caractéristique fondamentale du système financier de l’Union : le niveau des dépenses y est déterminé par le niveau des ressources.

A. Primauté des recettes sur les dépenses

La logique budgétaire de l’Union diffère de celle d’un Etat. Un principe classique des finances publiques étatiques, au moins depuis le début du XIXème siècle, est celui de la primauté des dépenses. Ce principe politique est contemporain du développement de la démocratie représentative et du parlementarisme. Il a par exemple été exprimé en France par la célèbre formule du Baron Louis, ministre des Finances sous la Restauration : « Il y a des dépenses, il faut y pourvoir », ce qui signifie que c’est le niveau des dépenses publiques autorisées par le Parlement (les représentants des citoyens) qui doit déterminer celui des recettes de l’Etat (principalement les impôts). Cette primauté tient à la nécessité, constatée par la représentation nationale, de la dépense publique pour faire face aux besoins des citoyens. Les structures du système constitutionnel de l’Union européenne sont différentes. A ce stade du processus d’intégration européenne, elles n’incluent pas ce principe. C’est le niveau des recettes qui détermine celui des dépenses. L’Union n’est pas un Etat souverain capable de créer souverainement les ressources financières (un nouvel impôt par exemple) dont elle a besoin. Elle dispose, comme les organisations internationales (dans le moule duquel sont nées les Communautés européennes), des recettes provenant des contributions, votées par les Parlements nationaux, que lui versent annuellement les Etats membres et des ressources (dites “ressources propres”) que lui ont attribuées les Etats membres mais qu’elle ne crée pas elle-même (par exemple les droits de douane ou les recettes provenant de la TVA des Etats membres).

B. Les “contributions” des Etats membres

Les “ressources propres” (droits de douane, prélèvements sur les importations agricoles en provenance des pays tiers, prélèvements sur la production de charbon et d’acier, recette provenant de la TVA perçue par les Etats membres selon des règles harmonisées) créées par la réforme financière de 1970 d’inspiration nettement fédérale, étaient versées directement à la Communauté européenne et n’étaient plus décidées annuellement par les Parlements nationaux. Elles devaient remplacer les anciennes “contributions” des Etats membres autorisées par les parlements nationaux. Elles subsistent, mais sont devenues minoritaires dans le financement de l’Union bien que le Traité de Lisbonne ait voulu en sauvegarder le principe (art. 311 du TFUE). On est donc, en pratique, revenu à un système de contributions nationales versées annuellement par les Etats membres selon un système complexe basé sur leurs RNB respectifs, qui constituent actuellement l’essentiel (environ 70%) des recettes du budget de l’Union.

C’est donc principalement en fonction de l’importance des contributions que les Etats membres acceptent de verser à l’Union que s’établit son budget. Pour empêcher toute dérive inflationniste des dépenses de l’Union, les Etats membres ont fixé, en 2014, le plafond théorique de ses ressources à 1,29% du RNB global de l’Union (RNB cumulés de ses Etats membres). Plus que jamais le niveau des recettes détermine celui des dépenses. Le logiciel de la prévision budgétaire n’est pas « il y a des dépenses, il faut y pourvoir » en lui attribuant les ressources correspondantes, mais « quelles dépenses peut-on prévoir en fonction des recettes tirées des ressources qui lui sont attribuées ? »… à moins de modifier substantiellement le système de financement de l’Union européenne. Les premières orientations publiées par la Commission prévoient pour les années 2021-2027 une masse budgétaire globale (1,1% du RNB de l’Union) inférieure à ce qu’elle était dans le CFP 2014-2020. La principale cause de cette diminution sera la disparition de la contribution du Royaume-Uni (environ 12 Milliards d’euros) après le “Brexit”.

III. Des choix difficiles

Le budget de l’Union doit être présenté en équilibre. Cela oblige à une action sur les ressources (augmenter les recettes provenant des ressources existantes ou créer de nouvelles ressources) ou sur les dépenses (“gérer la pénurie” en arbitrant entre les catégories de dépenses en fonction de la diminution des recettes)… à moins de faire les deux à la fois.

C. L’action sur les ressources

Cette action passerait par l’augmentation des contributions actuelles des Etats membres ou par l’affectation à l’Union de nouvelles ressources.

L’augmentation des contributions des 27 Etats membres après le Brexit est proposée par le document Oettinger. C’est à la France et à l’Allemagne, principaux contributeurs, que serait demandé le principal effort. Cela semble faire, pour le moment, l’objet d’un consensus en Allemagne : « Nous sommes prêts à augmenter la contribution de l’Allemagne au budget de l’Union » stipule l’Accord de gouvernement conclu entre la CDU et le SPD en vue de leur “grande coalition”. On estime que cette augmentation pourrait compenser la disparition de la contribution britannique. Celle-ci pourrait d’ailleurs être prolongée de quelques mois après la sortie du Royaume-Uni. Le gouvernement britannique a accepté, le 19 mars 2018, la prolongation de sa contribution en échange de l’acceptation par les 27 d’une période transitoire de 21 mois après le Brexit (29 mars 2019) durant laquelle les produits britanniques continueraient à accéder au marché intérieur de l’Union. La contribution du Royaume-Uni au budget de l’Union dont il ne sera plus membre et qui ne participera plus aux délibérations, sera due jusqu’au 31 décembre 2020 (fin de la période transitoire).

La recherche de nouvelles ressources a été une constante depuis de nombreuses années. Le Parlement européen souhaite porter le niveau des recettes du budget à 1,3% du RNB de l’Union. Il a approuvé le projet de refonte du système de financement de l’Union proposé en décembre 2016 par le Rapport Monti, projet dont le point central est d’assurer l’essentiel du financement de l’Union par un système rénové de recettes provenant de la TVA. Bien d’autres projets ont été avancés. Le Président Macron s’est prononcé en septembre 2017, dans son discours à la Sorbonne, pour l’attribution de nouvelles ressources affectées en priorité, semble-t-il, au renforcement de la zone euro dans le cadre du “budget de la zone euro”. La Commission des budgets du Parlement européen a proposé le 23 février 2018, quatre ressources nouvelles :

  • les recettes provenant d’un système rénové de TVA à taux uniforme de 1% à 2% ;
  • une taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises du net, dite “taxe GAFAM” (Google, Apple, FaceBook, Amazon, Microsoft) ;
  • une “taxe carbone aux frontières” sur les importations dans l’Union de biens fabriqués dans les pays tiers dépourvus de tarification spécifique des émissions de carbone ;
  • une taxe sur les transactions financières déjà proposée par la Commission en 2011 mais accueillie avec réserve par les Etats membres (et dont le gouvernement français préfèrerait semble-t-il n’en débattre qu’en fonction des résultats du Brexit).

Le document Oettinger se limite à proposer l’affectation d’une taxe sur la production de matières plastiques destinées aux emballages et le reversement à l’Union d’une partie de la taxe carbone perçue par les Etats membres.

D. L’action sur les dépenses

Agir sur les dépenses de l’Union relève de la quadrature du cercle, concilier la perspective, inévitable dans le court terme, de la diminution des recettes (ou, au moins de leur stagnation), la nécessité de maintenir à un niveau convenable le financement des grandes politiques de base (politique agricole commune, politique de cohésion) et l’ambition de faire face “aux nouvelles priorités” que l’Union estime vitales pour elle à “l’horizon post 2020” (emploi des jeunes, formation, recherche, renforcement de la zone euro, défense).

1. Politique agricole commune et “nouvelles priorités”

Maintenir le financement de la politique agricole commune (la PAC) à un niveau acceptable (30% des dépenses pour la période 2014-2020), c’est maintenir une politique que les Français estiment fondamentale depuis le tout début de la Communauté économique, une politique qu’ils ont largement contribué à créer et qui, quoi que l’on dise, a été très profitable aux agriculteurs français ; mais aussi une politique qui, malgré ses défauts, s’est révélée favorable aux agricultures anglaise, allemande et plus tard à celles des pays d’Europe centrale et orientale. Les diplomates français se sont déclarés en fin 2017 pour une PAC « rénovée, lisible et efficace ». Le dialogue avec les milieux agricoles sera intéressant à suivre au fil des propositions que fera la Commission.

Dès le mois de mai 2018, elle a proposé des orientations significatives qui diminuent nettement le poids de la PAC dans les budgets de l’Union et décentralisent la fixation des objectifs agricoles au niveau des Etats membres.

Une diminution de 5% de la masse budgétaire de la PAC la ferait passer de 408 milliards d’euros en 2014-2020 à 365 milliards pour 2021-2027. L’agriculture française perdrait en aides directes, pour cette période, environ 5 milliards d’euros sur son enveloppe actuelle de 55 milliards.

Signe des temps, le système de versement des aides directes proposé s’inscrit dans une stratégie de “verdissement” (en faveur de l’environnement) et de décentralisation vers le niveau national. Le versement des aides directes serait conditionné par des engagements environnementaux. Les critères de versement aux agriculteurs ne seraient plus décidés “à Bruxelles” mais fixés par des “plans stratégiques nationaux agricoles” qui devraient cependant être validés par la Commission. Cette réorientation stratégique correspond sans doute à la volonté de la Commission de se décharger d’une tâche de plus en plus délicate mais réveille la crainte d’une “renationalisation” de la politique agricole commune .

Les nouvelles priorités” que l’Union s’est donnée au cours des dernières années pour assurer sa prospérité… et, dans certains cas, sa survie à terme, nécessiteront des financements lourds. Aide à la formation et à l’emploi des jeunes (certains voudraient la doubler), développement de la recherche et de l’innovation dans “l’horizon post 2020”, réorganisation de la défense, sans compter le “budget de la zone euro” que le gouvernement français place au cœur du new deal européen, ne se réaliseront pas sans effort, imagination et solidarité.

2. Le débat sur la “moralisation” des fonds de cohésion

L’examen des “fonds de cohésion” (environ 26% des dépenses dans les derniers budgets) soulève des questions plus complexes encore. La “politique de cohésion” a été conçue pour permettre à certaines régions et à certains pays membres de “rattraper” progressivement le niveau moyen de prospérité dans l’ensemble de l’Union. En pratique, c’est principalement (mais pas uniquement) l’équilibre géopolitique entre l’Est et l’Ouest de l’Union qui est en cause. Le débat actuel sur la “moralisation” des prestations des fonds de cohésion en donne la mesure.

Une opinion assez répandue est que le bilan économique et financier des relations entre l’Union et les anciens pays d’Europe centrale et orientale (les PECO) qui l’ont rejointe est, depuis leur adhésion, très favorable à ces derniers. Les dépenses du budget de l’Union réalisées au bénéfice de ces pays ont largement dépassés les contributions qu’ils ont versées à l’Union. Le solde positif en faveur de ces pays représente une part importante de leur PIB (en moyenne annuelle : 4,7% en Hongrie, 2,7% en Pologne, 2,2% en Tchéquie, 2,2% en Slovénie). Durant cette période, les principaux Etats “contributeurs nets” (ceux qui contribuent plus qu’ils ne reçoivent), la France et l’Allemagne, ont supporté une charge nette qui n’était pas négligeable (0,3% à 0,4% de leur PIB). Bien entendu, la balance budgétaire ne donne pas une vision totale de la balance économique globale de l’adhésion. Certains économistes (voir notamment la chronique de Picketty dans Le Monde des 14-15 mars 2018) relèvent que, si les transferts Ouest – Est de l’Union ont effectivement permis un développement économique dans les pays bénéficiaires, ils ont aussi procuré aux investisseurs de l’Ouest, principalement allemands, d’importants retours qui ont représenté des prélèvements importants sur le PIB des pays bénéficiaires (4,7% en Pologne, 7,2% en Hongrie, 7,6% en Tchéquie, 4,2% en Slovaquie). Au delà de ces chiffres (qui peuvent d’ailleurs être relativisés), on pourrait rappeler que la balance financière ne rend pas compte de la balance globale de ces élargissements de l’Union qui est politique, stratégique et historique.

L’évolution politique et idéologique de certains Etats membres comme la Hongrie, la Pologne, la Tchéquie, est jugée dans certains milieux peu compatible avec les règles et les “valeurs” de l’Union. Les dossiers conflictuels sont d’inégale gravité : la révision du régime des travailleurs détachés relève de l’ajustement des intérêts économiques par les procédures de négociation propres à l’Union (voir l’article d’Yves Clément dans Les Nouvelles du ME-P, n°25) ; le rappel au respect des principes de l’Etat de droit (notamment celui de l’indépendance de la justice) peut être assuré par ses procédures judiciaires ; le refus d’accueillir les quotas de réfugiés imposés “par Bruxelles” touche quant à lui à des expériences populaires profondes, nées de l’Histoire et doit être approché dans l’optique du long terme.

Au sein des instances communautaires et dans certains milieux a été exprimée l’idée de se servir de la politique de cohésion pour faire pression sur les dirigeants des Etats membres bénéficiaires des prestations de l’Union en vue de les inciter à adopter une ligne plus conforme aux valeurs majoritaires dans l’Union. La menace du dépérissement de certains financements européens serait censée les inciter à suspendre ou à abandonner certaines réformes législatives ou à être plus conciliants en matière d’asile. D’une façon un peu différente, on a évoqué en France l’opportunité d’introduire dans les prestations des fonds de cohésion « des conditionnalités claires dans les domaines fiscal, social et de l’Etat de droit ». Cette orientation “moralisatrice” rencontre cependant certaines réserves qui s’appuient sur une vision à long terme du but et de la cohésion de la construction européenne. Le président du Mouvement européen-France a estimé, par exemple, que « moraliser le cadre financier pluriannuel est une très mauvaise idée ». Certains députés européens proposent même de doubler les fonds de cohésion. Riches débats en perspective lors de l’adoption du prochain CFP et, espérons-le, lors des prochaines élections au Parlement européen.

On le voit, malgré les contraintes imposées par la limitation des ressources de l’Union, ou peut-être grâce à elles, l’établissement de son cadre financier pluriannuel dépasse largement la préparation d’un compte prévisionnel de ses  dépenses. Il exige des choix fondamentaux dont les principales alternatives, sommairement exposées ici, pourraient donner lieu à des débats approfondis lors de la prochaine campagne des élections au Parlement européen. Une campagne animée par des candidats suffisamment avertis des réalités européennes et par des électeurs exigeants pourrait éclairer la confrontation des intérêts des catégories sociales et celle des stratégies nationales, en vue de réaliser  les compromis durables nécessaires au système de démocratie représentative qu’esquissent les Institutions de l’Union européenne.