Le plan de relance de l’UE, 3ème étage de la fusée européenne

Par Yves Bertoncini, Président du Mouvement Européen-France,
Olivier Mousson, Secrétaire Général,
et Aymeric Bourdin, Délégué chargé de l’information sur les pays européens et Membre du Bureau

Une version raccourcie de cette tribune a parue dans les pages de Ouest France le 17 juillet 2020.

 

Le Plan de relance de 750 milliards d’euros « Next generation EU » va permettre aux Européens d’affronter de façon plus efficace et plus solidaire la grave crise économique et sociale découlant du coronavirus.

 

Les négociations engagées pour son adoption doivent être conduites et conclues dans un esprit rassembleur et avec toute la patience nécessaire, y compris à l’occasion du Conseil européen de la mi-juillet. C’est précisément parce que ce Plan marque une avancée fédérale décisive pour la construction européenne qu’il peut difficilement être adopté en deux temps trois mouvements, fut-ce en invoquant la pression des événements.
Ce ne sera certes pas la première fois que les Etats-membres de l’UE feront preuve de solidarité financière, puisque le budget communautaire l’incarne depuis des décennies, notamment en matière agricole et de développement local et régional. Ce ne sera pas non plus la première fois que les Européens emprunteront ensemble, dès lors que la Banque Européenne d’Investissement, le « Mécanisme Européen de Stabilité » et même la Commission européenne l’ont déjà fait. Mais ce sera la première fois que les Etats-membres s’endetteront ensemble à un tel niveau, non pas seulement pour se prêter de l’argent mais pour le transférer des uns vers les autres.

Si deux tiers des 750 milliards d’euros prévus par le Plan de relance sont bien des subventions, sa mise en œuvre contribuera à doubler l’ampleur des transferts financiers opérés par l’UE sur la période 2021-2023. Ces 500 milliards d’euros viendront en effet s’ajouter aux budgets annuels d’environ 165 milliards d’euros prévus dans le cadre des négociations du « cadre financier 2021-2027 », pour un total d’environ 2% du PIB de l’UE. Ce pas en avant politique et budgétaire doit être salué et valorisé comme il se doit, de même que l’initiative franco-allemande qui l’a inspiré.

L’aide financière européenne, une fusée à trois étages

Le Plan de relance en discussion est le troisième étage de la fusée lancée par l’UE suite à la crise du coronarivus. Plusieurs interventions décisives de la Banque centrale européenne ont en effet rendu possible la mobilisation d’au moins 1 350 milliards d’euros destinés aux Etats en difficulté, aux banques et à leurs clients, entreprises comme particuliers. Près de 540 milliards d’euros de prêts et garanties seront également déboursés par le Mécanisme européen de stabilité pour financer des dépenses en matière sanitaire, par la Banque Européenne d’Investissement auprès des entreprises et pour aider les Etats à financer le chômage partiel avec la création du programme « SURE ».

Le Plan « Next generation EU » va très utilement compléter ces premiers apports européens, dont les sommes sont mises à disposition de leurs bénéficiaires au fur et à mesure des besoins qu’ils expriment.

Avant même que de s’accorder sur ces trois types de soutiens, les institutions européennes ont opportunément laissé les Etats-membres engager tous les financements de crise qu’ils jugeaient nécessaires : d’une part en les dispensant de leur engagement à limiter leur déficit public à 3%, d’autre part en allégeant le contrôle sur les aides publiques accordées à tel ou tel secteur économique. Les pays de l’UE ayant bien géré leurs finances publiques ont ainsi eu la possibilité d’adopter des plans nationaux de sauvetage et de relance massifs, notamment l’Allemagne. D’autres n’ont guère pu le faire, puisqu’ils sont confrontés à des marges de manœuvre financières plus limitées, alors même qu’ils ont été durement frappés par le COVID-19 – c’est particulièrement le cas de l’Espagne, de l’Italie mais aussi de la France…

Le calendrier, un élément clé de la négociation

L’impatience légitime des pays en difficulté ne doit pas occulter la préoccupation des pays mieux gérés d’obtenir toutes les garanties nécessaires sur le financement de ces mesures avant d’adopter le Plan de relance « Next generation EU » : il est à cet égard essentiel que la négociation en cours soit empreinte de respect et de compréhension mutuels, plutôt qu’empoisonnée par des anathèmes et des stéréotypes. C’est « unis dans la diversité » que les pays de l’UE pourront forger un compromis global, qui tienne compte de l’ensemble des sensibilités nationales, des rapports de force partisans ainsi que des équilibres institutionnels européens et nationaux – l’approbation unanime de tous les parlements des pays de l’UE étant indispensable.

L’adoption d’un tel compromis global devra sans doute être menée parallèlement à la négociation du budget annuel de l’UE pour la période 2021-2027, rendue difficile par le manque à gagner lié au départ des Britanniques. Il est essentiel que les dépenses prévues pour les programmes européens à dimension citoyenne soient à la hauteur des défis et conforme aux propositions formulées par la Commission : mobilisons-nous pour le financement d’Erasmus plus, d’Europe créative, d’Europe pour les citoyens et du Corps européen de solidarité ! Pour les recettes alimentant le budget de l’UE, mais aussi le remboursement du Plan de relance, planifions la création de nouvelles ressources propres, notamment via des taxes en matière environnementale, climatique et digitale.

C’est sur cette base que pourra être adopté le Plan de relance et les budgets annuels grâce auxquels les Européens sortiront plus aisément de la crise en cours en même temps, qu’ils réaffirmeront leur volonté d’un destin commun dans un monde à la fois instable et adverse.

Cette tribune est également disponible en format PDF.