Alors que les citoyens polonais investissent les rues pour manifester contre les dernières restrictions à l’avortement, nous jetons un regard sur des articles polonais, tchèques, portugais et roumains pour en savoir plus sur le sujet.
Une mauvaise décision, prise au mauvais moment
Le journal tchèque Idnes s’est concentré sur le timing des restrictions et de l’impact des protestations. Jeudi dernier, la Cour constitutionnelle polonaise a déclaré inconstitutionnel l’avortement même dans les cas de grave malformation du fœtus. La Pologne, qui possède déjà l’une des lois les plus strictes d’Europe en matière d’avortement, n’autorise désormais l’interruption de grossesse que si elle met en danger la vie ou la santé de la mère ou si cette grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste. Selon les critiques, ce nouveau règlement est en fait une interdiction totale des avortements légaux en Pologne. De plus, la Cour a été accusée de permettre les idéologies du Parti de la loi et de la justice (PiS) au pouvoir. À la suite de cet arrêt, les gens sont descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement. Les protestataires ont pu bloquer la circulation dans plusieurs villes. À Cracovie, un groupe d’environ 300 voitures a fait un convoi vers le centre ville pour y bloquer la circulation. En outre, les manifestants ont critiqué l’Église catholique qui, selon eux, s’est associée au PiS pour faire modifier la loi sur l’avortement. En raison du nombre croissant de cas de coronavirus dans le pays, le gouvernement polonais a appelé les manifestants à mettre fin aux manifestations. En outre, des mesures plus strictes ont été mises en place dans le pays depuis samedi. Les manifestants ont toutefois également critiqué le moment où la Cour a rendu son arrêt. Andrzei Matyja, président de la Chambre médicale polonaise, a déclaré que prendre une telle décision pendant la pandémie équivalait à « provoquer de manière irresponsable les gens à se rassembler », là où la distance sociale ne peut être maintenue.
Une protestation populaire
En Pologne, la Gazeta Wyborcza a rendu compte de la solidarité entre les Polonais lors des récentes manifestations. Des manifestations ont été signalées dans 91 endroits différents du pays, même dans des villages qui ont traditionnellement voté pour le parti au pouvoir (PiS). De nombreux employeurs, y compris des propriétaires de petites entreprises, ont accordé à leur personnel des congés pour leur permettre d’assister aux manifestations. Les manifestants cherchent à reproduire le « Lundi noir » de 2016, lorsque des femmes vêtues de noir erraient dans les rues et refusaient d’aller travailler. De plus, le maire de Varsovie Rafał Trzaskowski a montré son soutien aux femmes qui protestent pour leurs droits. Il a déclaré que les employés de la mairie de Varsovie peuvent prendre un congé pour protester. En outre, les employés de l’Université de Varsovie qui souhaitent se joindre aux manifestations ont reçu l’autorisation de le faire.
La justice en danger
Le quotidien portugais Expresso a écrit sur les implications de la décision du tribunal pour la séparation des pouvoirs en Pologne. Chantant « guerre contre les femmes », des manifestants sont descendus dans les rues de toute la Pologne pour protester contre la décision de la Cour constitutionnelle. Depuis 1993, les avortements en Pologne étaient auparavant autorisés dans les cas de viol, de danger pour la santé de la mère ou de malformations du fœtus. Aujourd’hui, la Cour a interdit ces dernières. Les protestataires demandent un référendum sur cette interdiction controversée. De plus, la décision de la Cour a approfondi les controverses préexistantes autour de la séparation des pouvoirs en Pologne. L’Union européenne a déjà lancé des procédures d’infraction contre la Pologne en raison de la réduction de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Selon les données du ministère polonais de la santé, en 2019, il y a eu 1 110 avortements légaux en Pologne, dont 96 % étaient dus à des malformations du fœtus.
Et si l’histoire se répétait
Adevărul rend compte de la décision controversée et du soutien aux protestations polonaises en Roumanie. La plus haute cour de Pologne, composée de personnes proches de l’actuel gouvernement de droite, a statué qu’il est inconstitutionnel d’interrompre une grossesse si le bébé n’a aucune chance de survie en raison de graves problèmes de santé congénitaux. En 2018, le ministère de la justice s’est engagé à renforcer les lois concernant les familles qui s’occupent d’enfants handicapés, ce qui a suscité l’inquiétude des parents qui restent au chômage pour s’occuper de leurs enfants handicapés. Aujourd’hui, dans sa nouvelle décision controversée, les autorités polonaises obligent les femmes à donner naissance à des bébés présentant de graves malformations. La Polonaise Ana Ovcaric, qui s’est installée en Roumanie il y a plusieurs années avec son mari, a organisé une manifestation devant l’ambassade polonaise. Plutôt que de se contenter de défendre les droits de l’homme, Ana a ressenti le besoin d’agir et d’expliquer aux Roumains, qui connaissaient autrefois des lois strictes sur l’avortement sous Ceausescu, qu’il est important de montrer son soutien aux femmes en Pologne.
*Texte fourni par le Mouvement Européen – International et traduit en français par le Mouvement Européen – France