La solidarité européenne en temps de crise

Le Président du ME-F, Yves Bertoncini, était l’invité de Eddy Caekelberghs dans l’émission ‘Au bout du Jour’ sur RTBF lundi 8 Juin afin de parler de solidarité européenne en temps de crise.

Sur la gestion de la crise à l’échelon européen, Yves Bertoncini est revenu sur la responsabilité des États, notamment au niveau sanitaire, alors que l’Union n’est pas compétente en la matière « ce sont aux autorités nationales et même régionales de faire le nécessaire car ce sont ces autorités qui sont compétentes. L’Europe a fait ce qu’elle a pu, d’abord sur le registre sanitaire avec une solidarité qui s’est mise en place, puis davantage au niveau économique, avec des interventions massives côtés Commission Européenne, Banque Centrale Européenne, et Banque Européenne d’Investissement. Maintenant, on attend la suite avec le plan de relance et de reconstruction. »

Sur les excuses de Madame Von Der Leyen vis à vis de l’Italie, Yves Bertoncini estime que « L’histoire retiendra peut-être que Mme Von Der Leyen ainsi que Mme Lagarde ont présenté des excuses, deux femmes qui ont fait preuve d’humilité, de reconnaissance s’agissant des erreurs qui ont été commises en début de crise. » Il rappelle également que « l’Europe est un punching-ball très très commode » et que « cela est normal car il faut respecter les 27 démocraties nationales, le compromis est forcément imparfait. »

S’agissant de la question de la solidarité européenne, le Président du ME-F explique qu’elle découle de fondements fonctionnels et non seulement psychologiques, d’une interdépendance économique et humaine établie entre les États membres. Il explique ainsi que « comme le disait Robert Schuman il y a 70 ans dans sa fameuse Déclaration, l’Europe s’appuie sur des réalisations concrètes créant des solidarités de fait : la zone euro, l’espace Schengen, qui nous rendent interdépendants. Si on ne veut pas que ces réalisations concrètes disparaissent, il faut faire preuve de solidarité. » Il ajoute qu’au fil des crises de l’Union Européenne, et notamment à l’occasion de la crise de la zone euro en 2008, « jusqu’ici les dirigeants européens ont toujours réussi, tardivement parfois, à faire le nécessaire. »

Une interdépendance que l’on retrouve notamment avec la politique agricole commune (PAC). Pour Yves Bertoncini, cette dernière est « un bon exemple de politique publique volontariste, qui dès les années 60, visait à restaurer l’autosuffisance alimentaire du continent. Le problème, c’est que assez vite, cela a débouché sur une surproduction, d’où les réformes successives.Il s’agit aujourd’hui d’une politique inégalitaire visant à soutenir les gros industriels sans pour autant empêcher aux petits de disparaitre. ». Pour le Président du ME-F,  c’est également la dimension environnementale qui représente aujourd’hui une priorité, et notamment sur le volet agricole « avant la crise, le Pacte vert européen constituait la principale boussole des priorités de l’Union, il faudra voir avec la crise si ces considérations environnementales seront toujours aussi importantes, il faut l’espérer. »

Ensuite interrogé sur la question d’un éventuel l’Ital-exit suite à la crise sanitaire, Yves Bertoncini rappelle qu’il est important de bien distinguer « l’euroscepticisme en Europe de l’europhobie que l’on a pu observer chez les Britanniques. Je ne crois pas que l’Italie soit dans la même situation que le Royaume-Uni. Il y a beaucoup de rage en Italie, je crois qu’il faut y répondre et faire preuve davantage de solidarité avec l’Italie, à laquelle on a déjà manqué au moment de la crise migratoire. »

S’agissant de la place de l’Allemagne dans la politique de la zone euro, pour Yves Bertoncini, « il y a un vrai débat schizophrénique sur la gestion de la zone euro, qui depuis l’origine a fait face aux crises, parce qu’elle a été lancée sur la base d’un sacrifice de la part de l’Allemagne pour confirmer son ancrage européen. » Il ajoute qu’ « au moment de la crise de la zone euro, l’esprit de la lettre initiale a été très fortement revu et notamment sous influence française : le sauvetage de la Grèce n’était pas du tout prévu, il y a eu toute une série de mécanismes qui avait été mise en place, ce que l’on retrouve aujourd’hui avec la position claire de Madame Lagarde. » De fait, pour le Président du ME-F « si on parle de « norme allemande », on se trompe sur la façon dont les autorités et la population allemandes perçoivent l’Union, elles qui ont le sentiment de devoir faire preuve d’énormément de flexibilité et notamment financièrement. La zone euro est déjà largement guidée par des normes au moins franco-allemandes, si ce n’est européennes. »

Pour conclure, à la question de savoir si l’Union est davantage devenue une affaire de raison et de loi qu’une affaire de coeur, Yves Bertoncini explique «qu’à l’origine, la Déclaration de Robert Schuman était un mariage d’amour au sens de l’amour chrétien, c’est-à-dire fondé sur le pardon, même s’il s’agissait également d’un mariage d’intérêts », en ajoutant que « ce sont souvent les mariages d’intérêts qui durent le plus longtemps ».  « Je pense qu’il faut se comparer au reste du monde, je pense que les européens, vus de Chine, vus des États-Unis, du Brésil, représentent une communauté relativement homogène. »

 

Cette interview est à retrouver en podcast.