Retour sur la conférence de Daniel Warin sur le système judiciaire européen

Ce vendredi 22 juin, le Mouvement Européen Ardennes a organisé une conférence sur le système judiciaire européen à l’Université Populaire des Ardennes en présence de Daniel Warin, ancien sous-directeur du droit international et européen ainsi qu’ancien représentant de la ministre de la défense.

Cette conférence marquait notre première coopération avec l’Université Populaire des Ardennes. Sur un sujet aussi pointu un soir de match de coupe du monde de football, la présence d’une quinzaine de personnes est pour nous une réussite.

Monsieur Warin s’est présenté en nous expliquant qu’il travaillait comme une centaine d’autres personnes au service juridique du Parlement Européen où son rôle consiste à représenter le Parlement quand celui-ci doit l’être devant la Cour de justice, puis il nous a présenté de manière très claire les deux juridictions et les possibilités de recours devant ces juridictions en agrémentant son discours d’exemples parlants et bien choisis et en répondant aux questions de l’assistance.

LES DEUX JURIDICTIONS :

  • La Cour de justice compte un juge par État-membre + 11 avocats généraux. Elle traite les affaires les plus importantes, instruit les pourvois en cassation sur les arrêts du tribunal et doit assurer l’uniformité de l’interprétation et de l’application du droit de l’Union au sein de celle-ci.

  • Le Tribunal est en voie d’extension. Il a intégré le tribunal de la fonction publique et comptera en 2019 2 juges par État-membre. Il s’occupe essentiellement des contentieux individuels et de ceux concernant le droit de la concurrence.

Les procédures sont inspirées par celles du droit français ; la juridiction est saisie par un mémoire écrit, puis les parties échangent des arguments par écrit, une audience orale se tient à la Cour de justice située à Luxembourg pour aboutir au délibéré et à la publication de l’arrêt dans toutes les langues officielles de l’UE. Il s’agit d’ailleurs de la seule juridiction multilingue au monde. La langue est choisie par le requérant. Néanmoins, les juges délibèrent en français (c’est la seule institution dans laquelle la langue de travail reste de facto le français).

En 2017, environ 1600 affaires ont été jugées devant les deux juridictions.

La Cour de justice ne doit pas être confondue avec la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui siège à Strasbourg et qui s’assure que les États ayant ratifié la Convention Européenne des Droits de l’Homme (bien plus nombreux que les membres de l’UE) respectent celle-ci.

LES TYPES DE RECOURS :

  • Les recours en manquement (40 à 60 affaires par an, il peut aussi s’agir d’omissions) sont déclenchés :

    • rarement pas des États-membres

    • surtout par la Commission, gardienne des traités, et qui analyse les transpositions en droit national. La Commission peut agir à la suite d’une plainte déposée par des particuliers, personnes physiques ou morales qui peuvent dénoncer un État-membre. Certaines associations en déposent régulièrement.

Dans le cas d’un recours en manquement initié par la Commission, la procédure est la suivante :

  • la Commission met en demeure l’État-membre de s’expliquer sur son manquement,

  • celui-ci répond,

  • si l’État-membre ne met pas fin au manquement, la Commission adopte un avis motivé,

  • si le désaccord persiste, la Commission peut saisir la Cour,

  • si malgré un arrêt de la Cour constatant un manquement par un État-membre celui-ci persiste dans son manquement, la Commission peut initier un nouveau contentieux devant la Cour pour lui demander d’infliger à l’État-membre une astreinte et/ou une pénalité. En 2005, la France a ainsi été condamnée à payer 57 millions d’Euros par semestre de retard + 20 millions d’Euros pour omission de transposition d’une directive sur l’interdiction de pêche des poissons sous taille. Ces mesures sont en général très efficaces et les sommes payées vont au budget de l’UE. Tous les États-membres ont déjà été condamnés pour manquement. La durée moyenne d’un tel contentieux est de 16 mois.

  • Le recours en carence est plus rare, lorsqu’une institution (Parlement Européen, Conseil, BCE, Commission) ne statue pas alors qu’elle en avait l’obligation. Les États-membres et les particuliers peuvent faire constater cette carence.

  • Le recours en annulation (environ 500 par an), essentiellement devant le tribunal, lorsque l’on veut demander l’annulation d’un acte de l’UE. On ne peut pas attaquer le droit primaire (les traités) mais tout le reste peut être attaqué. L’acte doit affecter directement le demandeur. En 2015, suite à l’afflux de migrants en Italie, la Grèce, la Hongrie et la Slovaquie ont ainsi attaqué la décision du Conseil de relocaliser les migrants. Ils ont perdu.

  • La demande d’avis. Les institutions et les États-membres peuvent demander l’avis de la Cour sur la compatibilité d’un accord international envisagé par l’Union avec le droit de l’Union.

  • Le recours en responsabilité. Lorsque l’annulation d’un acte ne suffit pas et que l’on veut obtenir réparation d’un préjudice.

  • Questions préjudicielles. C’est un recours qui permet aux juges nationaux dans le cadre du droit national de poser s’il a des doutes une question à la Cour de justice. C’est une procédure très fréquente qui représente deux tiers de l’activité de la Cour. Les réponses de la Cour font jurisprudence et permettent une application homogène du droit de l’Union.

Nous remercions Monsieur Warin pour cette prestation de qualité et l’Université Populaire des Ardennes avec qui notre coopération a été un succès pour son accueil. Nous souhaitons la reconduire à l’avenir.

La conférence a été filmée et postée sur la page Facebook de l’Université Populaire des Ardennes et nous l’avons relayée sur notre propre page. Elle est accessible à l’adresse ci-dessous :

https://www.facebook.com/universitepopulairedesardennes/videos/1874014626229308/