Durant trois jours consécutifs, du 12 au 14 mars, les députés britanniques ont voté tour à tour contre l’accord négocié avec l’Union européenne, contre le no-deal et pour un report de la date du Brexit initialement fixée au 29 mars. L’Union européenne doit désormais se prononcer sur l’extension de l’article 50 qui pourrait donc mener au report du Brexit. En attendant, les questions sont nombreuses, au premier rang desquelles : « un report, mais pour quoi faire ? ». Yves Bertoncini, Président du Mouvement Européen – France était sur France 24 pour décrypter les derniers votes et les sorties de crise possibles pour Theresa May.
Un report, pour faire quoi ?
Yves Bertoncini ne se dit pas défavorable à un report du Brexit, à condition qu’il ne s’étende pas sur la durée. Pour lui « la meilleure solution serait de reporter légèrement le Brexit, afin de laisser le temps aux Britanniques de le ratifier ».
Si l’accord en lui-même ne peut pas être modifié, le Président du Mouvement Européen suggère d’effectuer « un geste symbolique sur les garanties de l’interprétation ». D’autant plus que la déclaration politique sur la relation future peut encore changer. Cependant, pour Yves Bertoncini, il est nécessaire que les deux cotés bougent, en particulier Theresa May qui pourrait sensibiliser une frange des Travaillistes en modifiant ses positions sur l’union douanière. Il explique que si Theresa May se prononce favorablement au maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière, ce que souhaitent les Travaillistes, « cela favoriserait le ralliement des voix travaillistes dont elle aura besoin ».
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— Mouvement Européen – France (@MouvEuropeen_Fr) 15 mars 2019
C’est pourquoi, selon le Président du Mouvement Européen, un report du Brexit peut être envisagé. Néanmoins, il met en garde contre les risques d’un report prolongé : « si le report allait au-delà de l’entrée en fonction du Parlement européen, cela poserait la question de leur maintien dans les instances de l’Union européenne jusqu’à la fin 2020 ». Une solution qui serait beaucoup plus difficile à accepter pour les Européens.
« Theresa May ne peut plus compter que sur la peur du vide »
Yves Bertoncini rappelle que le débat actuel porte sur le « back-stop », un élément qui devrait être discuté lorsque les échanges sur la relation future s’ouvriront. Or il explique que cette relation sera négociée bien plus tard : « Il faut la mettre en place à l’horizon fin 2020, ensuite nous pourrons entretenir une sorte de flou sur la piste d’atterrissage qui pourrait mener à ne jamais remettre de frontière ».
Le problème qui se pose actuellement, c’est la multiplicité des interprétations du Brexit. Yves Bertoncini soulève notamment la volonté de certain hard-brexiter de sortir de l’union douanière : « Ce sont les brexiter les plus acharnés qui ont interprété le « non » britannique à l’Europe comme une volonté « ultra-libérale » de sortir de tout ». Ainsi, la solution exploitable pour Theresa May, selon Yves Bertoncini, serait de « s’affranchir de sa base radicale pour tendre la main aux Travaillistes, sans cela, elle n’aura jamais la majorité ». Il précise qu’il faudrait se défaire de cette frange ultra-libérale et arrimer « suffisamment de Travaillistes pour faire l’appoint des conservateurs ».
Ce serait donc une des solutions possibles pour clore la série du Brexit. Mais Yves Bertoncini souligne, en guise de conclusion, que « tant que ce problème britanico-britanique n’est pas réglé, les Européens n’auront pas envie de donner un sursis supplémentaire, même s’ils seront peut-être obligés de le faire ».
La semaine de l’éco a conclu les échanges sur un tout autre sujet qui marque l’actualité économique nationale : la privatisation des aéroports de Paris (ADP). Yves Bertoncini a analysé cette privatisation à la lumière des défis européens et économiques actuels.
« Est-ce le bon moment pour privatiser ADP dans un contexte concurrentiel comme celui-ci? »
La privatisation d’ADP intervient pour réduire le déficit public. Toutefois, Yves Bertoncini souligne que la privatisation n’est pas la solution. Pour lui, « Il faut réduire la dette publique en faisant une réforme des dépenses publiques car nous n’avons plus de marge de manœuvre et nous sommes obligés de vendre les bijoux de famille« .
#SemainEco #ADP @ybertoncini : en Europe on observe des aéroports principalement publics, ce qui prouve qu' »il y a des pays qui arrivent à financer les innovations de rupture sans vendre les bijoux de famille », en faisant des reformes structurelles pour réduire la dette publique pic.twitter.com/PHL26O4F1I
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Le Président du Mouvement Européen s’interroge cependant sur la pertinence de cette privatisation au regard du contexte économique européen. Il revient notamment sur la montée du gouvernement néerlandais au capital d’Air France – KLM : « Les hubs sont en concurrence en Europe, donc si les Néerlandais ont considéré qu’il fallait défendre leur hub, on pourrait se demander si c’est le bon moment pour privatiser le grand hub qu’est Roissy / Charles-de-Gaulle« . Il souligne le fait que les Néerlandais, qui sont pourtant libéraux, ont fait le mouvement inverse en préservant leur hub et en montant au capital d’Air France – KLM. Pour conclure, Yves Bertoncini s’interroge à ce sujet : « Est-ce le bon moment pour privatiser ADP dans un contexte concurrentiel comme celui-ci ? »