Le Mouvement Européen – France, première organisation de la société civile en France sur les questions européennes, a produit une tribune sur la nécessité de se rendre aux urnes le 26 mai au regard des défis colossaux qui attendent la France et l’Europe lors de la prochaine mandature du Parlement européen.D2
Périls climatiques et environnementaux, instabilité de notre voisinage et du monde, montée en puissance économique et stratégique de la Chine, soutien à la croissance et à la compétitivité, renforcement de la cohésion sociale et lutte contre l’évasion fiscale, promotion de l’Etat de droit et de nos valeurs communes, repli démographique et désordres migratoires, agressivité et ingérences de la Russie, raidissement et imprévisibilité des USA, terrorisme islamiste, « Brexit » programmé puis retardé… La liste des défis que les Européens doivent relever ensemble n’a jamais été aussi impressionnante : elle doit inciter nos compatriotes à se saisir des élections européennes qui se dérouleront du 23 au 26 mai prochain pour désigner ceux qui nous représenteront au Parlement européen lors d’une période cruciale pour l’avenir de notre pays et de l’Union européenne.
Notre Union n’est certes pas parfaite et elle n’est pas simple à appréhender puisque sa construction et ses politiques résultent de compromis entre pays et forces politiques « unis dans la diversité ». Mais voilà une raison de plus de déposer dans l’urne un bulletin de vote afin de peser dans les rapports de force qui détermineront la nature et le contenu des décisions prises à Strasbourg et à Bruxelles !
« L’Europe » ne peut naturellement pas tout, elle n’est pas responsable de toutes nos réussites et de tous nos malheurs. Ses compétences et interventions sont inexistantes ou limitées dans nombre des domaines qui ont été au cœur de notre « grand débat national » comme la fiscalité directe, la protection sociale, la nature et le fonctionnement de nos institutions, l’organisation de notre système éducatif, le logement… Le déficit de participation aux élections européennes découle pour une bonne part de ce déficit de compétences de l’UE. Mais il est également dû à la manière dont les partis et responsables politiques préparent et animent le débat public préalable à ces élections.
Il serait à cet égard très bienvenu que tous les partis en compétition publient leurs programmes au moins deux mois avant le scrutin, afin que les électeurs aient le temps de les évaluer et de les comparer ! De même qu’il serait utile que l’ensemble des candidats figurant sur les listes soit connu très en amont, et donc invités à participer à des débats contradictoires entre représentants de ces listes sur tout le territoire ! Tel n’a hélas pas été le cas en ce printemps 2019 : que de temps perdu pour que les Français puissent connaître les propositions formulées par ceux qui souhaitent les représenter à Strasbourg et à Bruxelles, puis interpeller ceux qui briguent leurs suffrages afin de se forger une opinion éclairée avant l’heure du vote !
Les premiers débats de cette campagne électorale ont marqué un repli notable, et plus ou moins sincère, des partis plaidant ouvertement pour une sortie de la France de l’UE : beaucoup semblent avoir compris que les Français ne sont pas « europhobes », et qu’ils ne veulent donc pas quitter l’UE ou l’euro. Ces premiers débats ont aussi suscité une surenchère de discours visant à changer ou à transformer « l’Europe », ce qui est nécessaire, mais dont bien peu prennent le temps d’en valoriser les précieux acquis. Les principales « réalisations concrètes » que la construction européenne a rendu possibles méritent en effet d’être défendues et promues comme telles : l’UE est le lieu d’une réconciliation historique et démocratique, où l’on règle pacifiquement ses différends ; un espace de libre circulation inédit et globalement bénéfique pour nos économies et nos citoyens ; un acteur économique influent dans le monde grâce à sa politique commerciale et à sa politique de concurrence ; une union monétaire qui nous protège de la spéculation mondiale et des dévaluations compétitives… Aimer l’Europe, c’est donc d’abord appeler à consolider les fondations de l’UE, à l’heure où des partis nationalistes tentent de former une improbable « internationale » afin de leur porter atteinte. Aimer l’Europe, c’est également exiger qu’elle soit plus ambitieuse afin de relever les défis d’un monde en transition, et ne pas laisser le monopole de sa critique aux extrémistes.
C’est sur ces bases claires que doivent être formulées des propositions visant à changer le fonctionnement et les politiques de l’UE. Nous proposons ainsi de renforcer la démocratie européenne et de préserver les valeurs de l’UE, par exemple en instituant des panels citoyens et en développant l’apprentissages des langues ; de construire une « sécurité collective européenne », notamment via un « FBI » européen et un renforcement de la protection collective de nos frontières communes ; d’assurer le rôle de l’Europe comme « leader pour le climat », mais aussi pour la santé de ses citoyens, grâce à la mise en œuvre de l’accord de Paris et l’interdiction des perturbateurs endocriniens ; de promouvoir un modèle social ambitieux et des priorités économiques ciblées (parité salariale, inspection européenne du travail, taxation des GAFA, budget pour la zone euro…) afin d’atteindre l’objectif de « convergence dans le progrès » fixé par les Traités européens…
Nous savons que les propositions formulées dans notre pays devront être soumises à un large débat transnational, au sein du prochain Parlement européen mais aussi de la Commission et du Conseil européen, et que c’est via de multiples compromis que ces propositions pourront être amendées, adoptées et mises en œuvre. Nous appelons donc les candidats aux fonctions de député européen à indiquer dans le cadre de quelles alliances politiques ils comptent mettre en œuvre leurs programmes, et par exemple quel(le) candidat(e) à la Présidence de la Commission ils prévoient de soutenir. Cette nécessité apparaît d’autant plus vive au regard du contenu souvent très franco-français du début de la campagne électorale : si la France est un grand pays d’Europe, l’UE ne peut pas être « la France en plus grand » ! Au-delà de cette échéance électorale, la campagne en cours confirme que nous devons apprendre à mieux nous connaître entre Européens, pour mieux choisir nos combats et faire émerger ce qui nous unit malgré les différences.
L’UE est unique, elle est précieuse pour l’avenir de notre continent et de notre planète – elle attend nos suffrages, il nous appartient de la façonner et de la transformer. C’est comme citoyens de France et d’Europe que nous sommes invités à voter du 23 au 26 mai prochains – alors « Aux urnes » citoyens !
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