« Initiative pour l’Europe », « Réveil de l’Europe », « Union des nations 2.0 » – ces slogans ont été façonnés par nos gouvernements et leurs représentants au cours des dernières années. « Faisons l’Europe comme il faut » et » Pour une renaissance européenne » sont les revendications les plus récentes des dirigeants politiques de nos pays. Il est vrai qu’aucun de nos gouvernements ne se satisfait de l’état actuel de l’Union. Même les modifications des traités de l’UE sont de nouveau à l’ordre du jour, afin que notre continent fasse face aux défis internes et externes.
by Yves Bertoncini, Dr. Linn Selle, Marcin Święcicki, the Presidents of the European Movement in France, Germany, Poland
Nos trois pays ont une responsabilité particulière. L’Allemagne et la France doivent être exempts de toute prétention à l’égard du reste du continent et en particulier des pays de l’Est. Berlin et Paris doivent investir dans la diplomatie multilatérale au-delà des déclarations franco-allemandes. La Pologne, traditionnellement orientée vers la liberté, doit redevenir une force motrice engagée pour une démocratie paneuropéenne pluraliste. La condition préalable est le respect de l’État de droit consacré à l’article 2 du traité de l’UE. Mais nous devons être honnêtes pour ne pas revenir à la vieille rhétorique du « Triangle de Weimar ». Celui-ci n’existe plus depuis longtemps. Nous devons investir dans une voie multilatérale pluraliste, où les défis internes et externes peuvent être débattus ouvertement entre toutes les parties prenantes européennes. Le Triangle de Weimar, s’il est revigoré, ne doit être qu’une des nombreuses plates-formes de débat politique.
Sibiu pourrait-il être une chance pour le jeu démocratique et le pluralisme ?
Jeudi, les chefs d’État et de gouvernement se réuniront à Sibiu, en Roumanie, à la veille des élections européennes, la plus grande réussite démocratique de l’Europe d’après-guerre. La décision du Brexit a été l’un des moteurs à l’origine du débat sur la réforme de l’UE qui nous a mené sur la « route de Sibiu ». Cette décision destructrice a uni les 27 et augmenté le soutien à l’intégration européenne parmi les citoyens. Mais ni les nombreux discours, ni les demandes sans fin pour répondre à des visions lointaines, ni les nombreux « débats citoyens » menés avec tiédeur, n’ont débouché sur des actions concrètes. Nous craignons que Sibiu ne s’inscrive dans la suite des déclarations joliment écrites de Berlin, Bratislava et Rome et qu’elle demeure sans conséquence. Encore une fois, une formulation appropriée sera trouvée pour décrire le grand projet européen. « Défendre une seule Europe – d’Est en Ouest, du Nord au Sud » est une bonne chose, mais ce ne sera pas suffisant. Les chancelleries de nos gouvernements nationaux ne sont plus des moteurs du changement vers une démocratie européenne pluraliste plus forte.
Plus de sommet « bla bla »
Les chefs d’État et de gouvernement se réunissent juste avant les élections européennes. Mais cette fois encore, ils affirmeront leur capacité à rejeter le résultat des élections au Parlement européen. Lorsqu’ils se réuniront à nouveau, quelques jours seulement après l’élection, ils auront sans doute la tentation de ne pas donner au Parlement européen une voix décisive dans l’élection du prochain président de la Commission européenne. Il est vrai que le résultat de nos prochaines élections européennes s’inscrira probablement dans une tendance observée au niveau national, celle de la fragmentation des familles politiques. Cependant, la grande majorité des électeurs européens souhaite une Europe démocratique forte. Les forces destructrices nationalistes peuvent et doivent être combattues par une compétition constructive entre les forces politiques en vue d’une meilleure politique.
Les futurs pouvoirs du Parlement
Le Parlement européen – la seule représentation directement élue des citoyens européens – doit devenir le centre d’un ordre démocratique parlementaire. Nous avons besoin du droit d’initiative législative du Parlement. Un processus transparent et compétitif des deux institutions législatives, à savoir les chambres du Conseil et du Parlement, doit également être garanti. L’UE sera moins paralysée et plus efficace lorsque le vote à la majorité qualifiée au Conseil sera étendu. Nous avons besoin d’un nouveau système électoral dans lequel les listes transnationales, la protection des minorités et la représentation sont essentielles. Cela nécessitera une modification du traité. Mais ce sera un grand pas en avant dans la réduction du déficit démocratique et la promotion des valeurs démocratiques fondamentales européennes et de l’État de droit.
Les défis devant nous
Une communication nuancée à un stade précoce et un dialogue ouvert sont des moyens efficaces de lutter contre la perte de confiance dans la politique, y compris au niveau transeuropéen. Les acteurs politiques qui ont une légitimité démocratique et les groupes sociaux doivent se renforcer mutuellement dans une compétition honnête à tous les niveaux.
L’Europe doit rester le leader en matière de protection du climat, en garantissant le modèle social le plus ambitieux et en assurant la prospérité dans toutes ses régions. Les 4 libertés de l’intégration européenne : la libre circulation des biens, des capitaux et des services et surtout des personnes nécessitent une gouvernance prudente et durable. Un soutien efficace au développement régional peut être obtenu en consolidant les politiques agricoles et régionales existantes ainsi que les programmes d’investissement axés sur la concurrence. Des instruments intelligents de diplomatie publique européenne et de coopération en matière de défense sont nécessaires.
Nos sociétés ont besoin d’un concours public des meilleures idées et des meilleurs concepts pour parvenir à un système social européen commun.
Mais il est également nécessaire de mettre en place une gestion des fro ntières extérieures de l’UE qui établisse un contrôle de haut niveau de l’immigration ainsi qu’une solidarité humanitaire aussi élevée que possible avec les réfugiés. Une gouvernance intelligente commune est en mesure de garantir un espace Schengen fort et ouvert. Notre objectif doit être de construire le plus grand espace de libre circulation possible au sein de l’UE.
Notre ambition doit être d’établir les meilleures normes de gouvernance dans toute l’Europe du Sud-Est. Nous avons besoin d’un Balkan occidental prospère pour une Europe stable. Le « processus de Berlin » vers l’intégration des Balkans occidentaux devrait intensifier ses efforts pour impliquer et soutenir efficacement les forces démocratiquement organisées au sein de l’UE et dans les Balkans occidentaux. La stabilité, la solidarité et la responsabilité stratégique d’une Europe démocratique élargie seront également assurées par la bonne mise en œuvre des accords d’association avec l’Ukraine, la Moldavie, l’Arménie et la Géorgie.
Investir dans la démocratie européenne, c’est investir dans l’avenir. Nous devons revitaliser et élargir notre capacité démocratique à tous les niveaux de notre société européenne. Mais cet investissement doit aller au-delà des institutions européennes. Renforçons le terrain démocratique entre nos pays, les parties prenantes et en premier lieu les citoyens européens.
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