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Faisons avancer l’élargissement pour une Europe unie

Le 30 octobre, la Commission européenne pour l’élargissement a dévoilé son cinquième paquet “Élargissement”. Préparé par la Direction Générale pour la Politique du Voisinage et des Négociations d’Élargissement (DG NEAR), il comprend une communication exposant les recommandations de la Commission, ainsi que des rapports détaillés évaluant la situation actuelle et les progrès des pays candidats : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Moldavie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie, Turquie, Ukraine et le Kosovo, pays potentiellement candidats, sur leurs chemins vers l’adhésion à l’Union européenne (UE).

Le paquet “Élargissement” 2024 réaffirme que l’adhésion à l’UE reste un moteur clé de la sécurité, de la paix, de la stabilité et de la prospérité à long terme en Europe, renforçant la compétitivité et l’influence de l’UE sur la scène internationale. Il met en évidence le nouvel élan pour l’élargissement, et la nécessité d’ancrer les pays aspirant à rejoindre l’UE à travers une intégration progressive comme outil pour faciliter les préparations techniques à l’adhésion, accélérer l’alignement avec l’acquis communautaire et fluidifier le processus d’adhésion. Le rapport souligne également la nécessité accrue d’unité et de solidarité entre l’UE et ses partenaires les plus proches ainsi que l’importance d’un alignement sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Dans les recommandations spécifiques aux pays, la Commission européenne encourage l’Albanie à accélérer la mise en œuvre des réformes relatives à l’état de droit, en consolidant les résultats en matière d’application de la loi, sur une lutte anti-corruption efficace et sur la criminalité organisée, et à promouvoir les droits fondamentaux.

La Bosnie-Herzégovine est encouragée à développer ses capacités administratives pour renforcer les institutions de l’État et à nommer un négociateur en chef et son équipe, ainsi qu’à élaborer un plan national pour l’adoption de l’acquis de l’UE.

Le Kosovo doit intensifier ses efforts pour renforcer l’état de droit et l’administration publique, et protéger la liberté d’expression. En outre, le gouvernement kosovar est invité à rechercher un soutien politique interpartis pour mener à bien les réformes liées à l’UE de manière plus efficace, et mettre en œuvre l’Accord sur le chemin de la normalisation avec la Serbie.

Le Monténégro, en tant que leader dans le processus d’adhésion, qui a pour objectif de clôturer les négociations d’adhésion d’ici fin 2026, devrait finaliser les négociations en consolidant les réformes, en particulier dans l’administration publique et l’état de droit.

Pour la Macédoine du Nord, la Commission encourage le pays à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre des réformes cohérentes avec l’UE, notamment dans les domaines de l’état de droit, de la justice et de la lutte anti-corruption, et à renforcer la confiance dans le système judiciaire.

La Serbie devrait aligner sa politique étrangère et de sécurité sur celle de l’UE et s’abstenir de toute action et déclaration contraires aux positions de l’UE. La Serbie est également invitée à intensifier ses efforts en matière de réformes démocratiques, à améliorer la liberté des médias et à normaliser ses relations avec le Kosovo en mettant en œuvre l’Accord sur le chemin de la normalisation. La Commission réitère son évaluation pour la troisième année consécutive selon laquelle la Serbie a rempli les critères pour ouvrir le cluster 3 (Compétitivité et croissance inclusive). Cela, cependant, n’a pas encore été soutenu par le Conseil.

La Turquie est avisée de revitaliser ses institutions démocratiques et de traiter les préoccupations en matière de droits de l’homme, tout en maintenant la coopération en matière de migration et de stabilité régionale.

La Commission recommande de privilégier les infrastructures et la cohésion économique en Ukraine dans le cadre de la reconstruction post-guerre, tout en renforçant l’état de droit et les efforts de lutte anti-corruption. De plus, sous réserve que l’Ukraine remplisse toutes les conditions, la Commission prévoit d’ouvrir les négociations sur les clusters dès que possible en 2025.

On attend de la Moldavie, saluée dans le rapport pour ses efforts, qu’elle améliore ses structures de gouvernance et son orientation vers le marché afin de renforcer sa candidature.

La politique suivie par le gouvernement géorgien depuis le printemps 2024 met en péril le chemin de la Géorgie vers l’UE, suspendant de facto le processus d’adhésion. Ainsi, la Commission appelle à une démocratisation supplémentaire, à des réformes solides en matière d’état de droit, d’indépendance judiciaire et de droits fondamentaux, et à un alignement plus fort avec la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’UE.

Compte tenu de la guerre d’agression russe en cours contre l’Ukraine et des efforts oppressants de la Russie pour rapprocher les pays d’Europe de l’Est et des Balkans occidentaux, l’élargissement sera au cœur des cinq prochaines années. Il est donc crucial que des progrès substantiels soient réalisés dans le processus d’adhésion.

Au sein des institutions de l’UE, le Parlement européen a été le plus ardent défenseur de l’élargissement, le considérant comme une nécessité pour renforcer la stabilité géopolitique, la sécurité, la démocratie et la prospérité économique en Europe.

Enfin, bien que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se soit abstenue de préciser des mesures et actions plus concrètes, dans ses lignes directrices politiques et dans sa lettre de mission adressée à la commissaire désignée à l’Élargissement, Marta Kos, elle s’est engagée à intensifier les efforts pour un nouvel élargissement et à augmenter le soutien à la préparation des pays candidats à l’adhésion.

La position du Mouvement Européen International

Comme nous l’expliquons dans notre dernière position politique sur « Une Europe résiliente : Renforcer l’élargissement de l’UE pour une Union plus forte et plus sûre », l’élargissement n’est pas seulement une question d’alignement politique, mais aussi un investissement stratégique dans la paix, la stabilité et la prospérité du continent européen. Intégrer l’Europe de l’Est et les Balkans occidentaux dans l’UE renforcerait la sécurité régionale et constituerait un rempart contre les influences extérieures, en particulier de la Russie et de la Chine.

Maintenir un processus fondé sur le mérite et transparent, dans lequel les pays candidats respectent des critères essentiels, tels que la gouvernance, l’état de droit et les mesures de lutte anti-corruption, est d’une importance capitale. Les pays candidats doivent montrer des progrès dans ces domaines pour être qualifiés pour l’adhésion à l’UE, en s’alignant sur les valeurs fondamentales de l’Union. De plus, des avantages provisoires pour les pays candidats sont recommandés, tels que l’accès à certains programmes ou fonds de l’UE pendant le processus d’adhésion, afin de maintenir leur engagement.

Pour soutenir efficacement une UE élargie, la compétitivité, la croissance et des réformes institutionnelles globales sont d’une urgence primordiale. En particulier, l’UE doit modifier sa manière de prendre des décisions en passant de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée (VMQ) au sein du Conseil pour la politique d’élargissement, ainsi que pour les domaines politiques auxquels les compétences ont été conférées par les Traités à l’UE.

De plus, il est également crucial de garantir que le processus d’élargissement reste transparent et inclusif. Nous préconisons d’impliquer un éventail plus large et diversifié de parties prenantes, tant de l’UE que des pays candidats, y compris la société civile organisée, pour construire un processus plus participatif. Des consultations régulières et des dialogues avec des organisations de la société civile (OSC), des groupes représentant la jeunesse, des autorités locales et régionales, ainsi que des partenaires sociaux, peuvent offrir des perspectives précieuses et favoriser un sentiment de copropriété tout au long du parcours d’élargissement. Enfin, les implications sécuritaires de l’élargissement sont particulièrement pressantes. Tandis que l’Ukraine démontre sa résilience dans la défense de sa souveraineté, son processus d’adhésion met en lumière la manière dont l’élargissement pourrait renforcer le cadre de sécurité de l’UE. Étendre l’UE pour inclure l’Europe de l’Est et les Balkans occidentaux renforcerait la défense et la résilience régionales, en s’alignant avec les objectifs de sécurité plus larges de l’UE. Cette focalisation sur la sécurité, comme indiqué dans notre nouvelle position politique sur « Renforcer la sécurité et la défense en période d’instabilité géopolitique », fait partie intégrante de la construction d’une Europe robuste et unie, capable de résister aux menaces extérieures.